Mon fils bien-aimé en qui je trouve ma joie
Impressionnante la déclaration que Dieu le Père prononce au sujet de Jésus au moment du baptême : « celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie ». Il la renouvellera, on le sait, au moment de la Transfiguration sur la montagne, en ajoutant cette fois-ci : « écoutez-le ! ». Il est rare que nous ayons un écho, de l’intérieur même de la Trinité, de ce que pense le Père à propos de son Fils éternel. Là nous l’avons !
Le Fils, lui, est plus abondant sur le sujet, il nous dit par exemple : « le Père m’aime parce que je donne ma vie » (Jean 10,17). Nous comprenons mieux ainsi le cri d’admiration du Père quand il voit son Fils s’avancer pour recevoir le baptême de Jean et se plonger dans les eaux limoneuses du Jourdain, signifiant par avance l’abaissement auquel il va consentir dans sa passion. C’est bien son fils, celui qui répond si fidèlement au projet conçu de toute éternité pour sauver l’homme ! L’amour du Père pour le Fils n’a pourtant pas attendu ce moment pour exister : « tu m’as aimé avant la fondation du monde » confie encore Jésus (Jean 17,23).
L’amour éternel du Père pour le Fils et du Fils pour le Père est un don mutuel, total et parfait : le Père donne tout ce qu’il est au Fils et celui-ci, à travers le Saint Esprit qui procède des deux, lui rend amour pour amour. Cet amour, dans la splendeur de la vie trinitaire, est donc déjà ouverture à un autre, le troisième qui est le fruit de leur don mutuel. Mais, pour venir chercher la petite créature humaine en proie au péché et à la mort, le Fils est allé jusqu’à « donner sa vie ». L’ouverture, cette fois-ci, ne se fait pas sans peine, elle est une déchirure : le Christ pour donner sa vie doit d’abord accepter de la perdre, ce qui n’était pas le cas dans la perfection de la vie divine. Voilà ce que le Père relève, voilà ce qu’il admire, ce qui fait même sa joie. Bien sûr, ce n’est pas la souffrance que le Père apprécie, c’est le don qui va jusque-là. Ce fils est décidément bien son fils ! Et quelle joie pour l’enfant à qui son père peut dire de tels mots !
Si nous sommes rendus témoins de cet échange étonnant, ce n’est pas un hasard, c’est qu’il y va de notre foi en Dieu. Les cieux se déchirent pour nous révéler ce qu’il en est de ce Dieu que les hommes de tout temps, de toute civilisation, de toute race, peuple ou langue ont invoqué, loué, exalté. Souvent ils l’ont paré des supériorités qui leur paraissaient les plus impressionnantes, ils l’ont habillé de tous les déguisements possibles, jusqu’aux plus odieux. Mais c’est seulement avec l’Incarnation que la divinité se révèle sous son vrai visage. Et ce visage, c’est celui du Fils tourné vers son Père, ravi d’amour à la voix du celui-ci, le tout baigné dans la lumière de l’Esprit.
Osons dire que nous sommes passionnés par le vrai Dieu… Pas le dieu de pacotille que fabriquent les hommes.