Rabbi, prophète et fils de l’homme
Ce qui caractérise Jésus dans l’Evangile, c’est qu’aucun titre n’est suffisant pour le décrire : Messie, Serviteur, Seigneur, Fils de Dieu, tous ces titres lui sont attribués tour à tour et, dans le texte d’aujourd’hui, rabbi, prophète et Fils de l’Homme. Chacun apporte une part de la vérité, mais lui les dépasse tous. Quand il assume ces termes nourris de références à l’Ancien Testament, il leur donne une lumière nouvelle.
Le dernier cité pourrait nous paraître le moins important : fils de l’homme, ne semble-t-il pas vouloir dire : un homme comme les autres, au milieu des autres ? Il n’en est rien, on voit la réaction, quand l’aveugle-né entend Jésus se l’attribuer à lui-même, il se prosterne, preuve qu’il a vu là quelque chose de divin. C’est qu’en effet l’expression ˝Fils de l’Homme˝ était très employée du temps du Seigneur pour évoquer le Juge des derniers jours, celui qui viendrait clôturer l’histoire en remettant toute chose entre les mains de l’˝Ancien des jours˝ (Dieu le Père). Jésus semble s’être servi personnellement de ce titre, qu’on pouvait évidemment prendre dans un autre sens, pour ne pas recourir à d’autres (comme Messie) qui étaient souvent pris en un sens plus politique que religieux. En révélant au bénéficiaire du miracle quel rôle, lui, Jésus joue dans l’aventure humaine, il l’aide à comprendre le sens du geste qu’il a fait : l’annonce d’une intervention plus grande encore qui mettra en lumière le péché des hommes, leur refus de la Vérité, qui pourtant s’est approchée d’eux. C’est ce qu’il dit plus loin : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles ». On ne peut jamais séparer l’identité de Jésus de sa mission : en Lui l’histoire atteint son point-clé, le péché est mis à nu, la gloire de Dieu va se manifester.
Le second titre le Prophète (plutôt que ˝un prophète˝) fait sans doute allusion à la parole entendue par Moïse déclarant qu’après lui se lèverait un prophète semblable à lui, dont la parole serait décisive (Deutéronome 18,17). Ce prophète n’est pas un devin qui dévoile l’avenir, mais un homme qui parle avec l’autorité même de Dieu. De lui, comme de Moïse, on dira que « le Seigneur Dieu le connaissait face à face » (Deutéronome 34,10). Jésus nous entraîne dans la sphère de Dieu, sa parole obtient tout de suite son effet. Il contemple le Père de toute éternité.
On commence par le plus simple : rabbi, mot familier pour s’adresser à un enseignant qui transmet la Loi de Dieu. Sauf que Jésus n’a pas le diplôme ad hoc, il n’a pas suivi un maître dans l’une ou l’autre des écoles rabbiniques de son temps. Si on s’adresse à lui avec ce titre, c’est qu’il enseigne souvent et qu’on est frappé de son enseignement. Mais au lieu de s’abriter derrière des autorités dont il reprendrait les raisonnements, il parle en son nom : « on vous a dit, … moi je vous dis… ». L’appeler rabbi, c’est l’entrée en matière : on l’écoute une fois, deux fois… et plus rien n’est comme avant ! Ensuite on constate que ce qu’il dit suppose une intimité toute spéciale avec Dieu, il est sa bouche, il est son Verbe. Enfin on comprend que sa venue va changer quelque chose dans ce monde.
C’est le chemin que beaucoup ont fait et qui peut mener loin !