La pauvreté selon saint Paul
Au moment où nous voyons notre mode de vie menacé à brève échéance, on commence à parler (à l’instigation de notre saint Père le Pape) de « conversion écologique ». On se rend compte que la perspective (qui a longtemps dominé) d’une progression indéfinie du niveau de vie, soutenue par une production en croissance continue est une folie, qu’elle épuise les ressources naturelles et engendre des inégalités croissantes. On en vient à privilégier des modes moins dispendieux, à envisager des circuits courts entre production et consommation, à récupérer tout ce qui peut l’être, mais il faudra sans doute aller plus loin dans la réforme de nos habitudes et accepter que tous nos désirs ne soient pas satisfaits, qu’il faille même les limiter au strict nécessaire et affronter des restrictions sévères.
La pauvreté est donc une réalité spirituelle qu’il faut pouvoir retrouver. Il n’y a pas que les moines et les moniales qui ont à la vivre. La pauvreté est d’ailleurs une réalité polymorphe : ce que connaissent surtout les membres des ordres religieux est la privation de la propriété privée, tous les biens personnels étant en principe remis à la communauté, qui se charge en retour de nourrir ses membres et de leur procurer tout ce qui peut leur être nécessaire, c’est parfois malheureusement une assurance tout-risques. Mais la pauvreté, c’est aussi de donner, de donner plus que son superflu, de donner jusqu’à se gêner. C’est encore se refuser par principe le luxe et la facilité, c’est se contenter du strict nécessaire. Quel que soit le moyen employé, la pauvreté entame en nous le besoin de possession, la manie d’accumuler, le désir taraudant de vouloir toujours plus, avec comme corollaires l’orgueil de la puissance que donne l’argent et l’indifférence à la misère des autres etc…
L’exemple de saint Paul est assez éclairant en ce domaine, voilà ce qu’il nous dit dans le passage que nous lisons ce dimanche : « je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force ». Rien là qui ressemble à un programme apriori, ce sont les évènements qui guident la démarche de l’apôtre : il y a des communautés pauvres dont il ne veut pas profiter, alors il double sa journée de prédication par des heures de nuit où il travaille de ses mains, il y a de longs déplacements où il doit vivre du minimum, mais il y a aussi des moments de plus grande abondance quand il est reçu dans des milieux plus aisés. La pauvreté n’est pas le goût malsain d’une vie terne et misérable. Il est normal d’aimer ce qui est beau et bon et de savoir faire la fête avec des frères et sœurs quand c’est nécessaire pour le bien de tous, mais on doit pouvoir dès le lendemain revenir à un vie plus dépouillée. La pauvreté n’est pas synonyme de laideur, de ressentiment contre les biens de ce monde. Elle ne doit pas non plus amener celui qui s’y livre à se croire supérieur, parce qu’il serait plus détaché. On ne l’est d’ailleurs jamais totalement. On raconte l’histoire de ce moine qui vivait de peu, mais se serait battu si on avait fait mine de lui enlever tel objet sans valeur qu’il affectionnait !
La pauvreté commence par l’amour de la pauvreté (et des pauvres). Au lieu de la redouter, au lieu de considérer que ce serait un malheur insupportable si nous devions nous séparer de tel ou tel bien, en faire déjà l’offrande à Jésus, considérer comme un honneur de pouvoir embrasser un jour réellement quelque chose de la sainte pauvreté ! Et le Seigneur, si c’est le cas, nous aidera à le vivre la tête haute !
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