N’éteignez pas l’esprit, ne méprisez pas les prophéties !
Depuis l’apparition dans l’Église catholique de qu’on a appelé le « Renouveau charismatique », il est difficile d’ignorer cette réclamation de l’Apôtre Paul. Reste à bien la situer, car, pour la plupart d’entre nous, le prophétisme reste : ou bien un phénomène réservé à l’Ancien Testament (Isaïe, Jérémie etc…), ou le fait d’illuminés qui prétendent annoncer des évènements généralement catastrophiques, comme « Philippulus le prophète » dans l’Etoile mystérieuse de Tintin.
Or le prophétisme a une place reconnue dans le Nouveau Testament, comme on le voit chez saint Paul, qui énumère les « prophètes », à la suite des « apôtres » et avant les « docteurs », parmi ceux que « Dieu a établis dans l’Eglise » (1 Corinthiens 12,28). Il donne (dans le chapitre 14 de cette même lettre) des conseils précis sur le maniement de la prophétie.
Pour bien comprendre le domaine que recouvre la prophétie dans le temps de l’Eglise, il me semble que le plus simple est de se reporter à ce texte éminemment prophétique qu’est l’Apocalypse de Saint Jean. Car si, pour lui, il y a de « faux prophètes » (16,13 ; 19,20 etc…) qui sont dangereux, il y a une vraie prophétie et c’est précisément ce qu’il nous offre dans ce livre si étonnant qui clôture la Bible. « Le témoignage de Jésus, c’est l’esprit de prophétie » (19,10). Et réciproquement !
On croit toujours que la Révélation (c’est le sens du mot « apocalypse ») est de nous dévoiler ce qui arrivera dans le futur. En fait seuls les derniers chapitres (à partir du chapitre 19) concernent ce qui accompagnera le Jugement dernier. Tout le reste nous parle du présent de l’Eglise, de ce temps qui s’écoule entre la Résurrection de Jésus et son retour, qui est un temps de l’attente, déjà traversé des fulgurations de la gloire. Le prophète est celui qui voit cette gloire (l’Agneau entouré des anges et des saints) au plus noir de la bataille qui se livre sur terre. Il est aussi celui qui déchiffre dans les différentes épreuves traversées par l’Eglise (persécutions, divisions etc…) et par le monde (pestes, famines, etc…) la suite des souffrances du Christ revécues par ses disciples. Il est enfin celui qui peut apprécier la vitalité spirituelle des communautés chrétiennes, celle-ci se mesurant surtout au fait de garder vive la flamme de l’attente de l’Epoux : l’Esprit et l’Eglise disent : « viens, Seigneur Jésus ! ».
L’illustration de ce dernier aspect se rencontre surtout dans les fameuses « lettres » de l’Apocalypse (chapitres 2 et 3), envoyées à diverses communautés que connait bien l’apôtre-prophète et dans lesquelles il peut émettre un jugement d’une incroyable précision sur les points faibles et les points forts de chaque « église ». « Je connais ta conduite, tes labeurs et ta constance » peut-il dire à celle d’Ephèse, mais non sans ajouter : « j’ai contre toi que tu as perdu ton amour d’antan ». Ces observations ne sont pas encore des jugements définitifs, il y a place pour une conversion : « Mon retour est proche (c’est Jésus qui parle à travers le prophète): tiens ferme ce que tu as, pour que nul ne ravisse ta couronne » est-il dit à l’église de Philadelphie. A Laodicée on déclare : « Allons! Un peu d’ardeur, et repens-toi! Voici, je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi ».
Le vrai prophétisme n’a jamais été une menace pour l’autorité de l’Eglise. Il lui est intiment lié au contraire comme on le voit pour saint Jean, mais comme on le verra aussi tout au long de l’histoire (cf. saint François, sainte Catherine de Sienne, etc…) Il préserve surtout les hommes d’Eglise de transformer celle-ci en une simple administration…