La Sainte Famille, famille pour le XXIe siècle
On dira tout ce qu’on veut, Jésus est né dans une famille « atypique », surtout pour l’époque. Aujourd’hui, on ne s’étonnerait plus de trouver un foyer où un seul enfant grandit entre papa et maman, à l’époque la famille « large », la fratrie, était la norme. Certes, on voit bien apparaître, au détour de telle page de l’Evangile, des frères et des sœurs, dont on nous donne même le nom (Marc 6,3), mais, contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire aujourd’hui, ce cousinage n’intervient jamais dans les moments où on voit Jésus entre Marie et Joseph, c’est un cercle plus extérieur et on a toutes raisons de penser que les personnages en question sont issus d’une autre mère que Marie mère de Jésus, elle aussi appelée Marie, mais Marie femme de Cléophas (ou Clopas).
D’autres absences sont notables : les parents de l’un et de l’autre côté ne sont pas là au moment de la naissance. Le clan familial se signale même par sa totale indifférence à ce qui a dû être la détresse du jeune couple, on refuse de se serrer pour lui faire de la place dans ce catalyma qui n’est pas une auberge de village, mais la maison possédée en commun par tous les membres d’un clan pour assurer l’accueil des parents de passage.
Tout cela nous rappelle bien des situations d’aujourd’hui, où la vie humaine naît souvent dans des contextes déstructurés, où le père et la mère sont seuls pour faire face aux bouleversements introduits par le petit être qui vient au monde, et encore bienheureux quand il y a ensemble, uni, un couple pour porter ensemble sa venue ! La vision idéale d’une grande famille, où toutes les générations sont là, où l’entraide est évidente, où l’enfant est porté dans les bras des grands parents heureux, entouré d’une nuée de frères et de sœurs, de cousins à tous les degrés, dans une grande maison accueillante ne semble pas s’être réalisé pour le petit Jésus lors de sa venue sur terre…
Occasion pour nous de cesser de nous référer à la « famille idéale», modèle rêvé qui ne peut que jeter le trouble chez ceux qui tentent vaille que vaille de s’aventurer dans le don d’eux-mêmes à un conjoint et à des enfants. Péguy, prophète sur ce point comme sur beaucoup d’autres, disait que les pères de famille étaient les aventuriers du monde moderne.
La solitude, qui frappe tant d’individus dans notre société, n’épargne pas non plus les couples, qui sont souvent démunis face aux échéances de la vie familiale, privés le plus souvent d’un capital d’expériences, de savoir-faire transmis jusque là de génération en génération et qui est parti en fumée avec les modèles ancestraux, souvent inadaptés aux circonstances actuelles. Même ceux qui disposent d’atouts appréciables, et notamment de principes chrétiens, peinent à réaliser ce qu’on pourrait attendre de la famille modèle. La dépression des jeunes mères de famille, aujourd’hui bien repérée, à défaut d’être efficacement soignée, vient de là : on fait porter à une seule personne, souvent livrée à elle-même une bonne partie du temps, un modèle écrasant, là où jadis intervenaient de nombreux acteurs : parents, oncles et tantes, frères, sœurs, nourrices, etc…
Jésus, Marie et Joseph nous donnent de la famille une image réduite au minimum, mais aussi à l’essentiel : nous y voyons l’amour respectueux et fort qui unit le mari à sa femme, la reconnaissance très douce de l’épouse devant l’homme qui l’a comprise et qui a tout accepté sur sa parole, son admiration et sa déférence à son égard, la soumission de l’enfant, sa docilité pleine de joie qui ne ressemble en rien à de l’asservissement. Tous ces rapports sont justes, ce sont eux qui soutiennent chacun des membres de la famille au milieu des épreuves de la persécution, de l’exil et sans doute de la misère.
Tous, sans exception, peuvent s’en inspirer, non seulement ceux qui ont la grâce d’une vie familiale heureuse et équilibrée, mais aussi ceux qui doivent par la force des choses avancer dans un contexte aride. Même ceux qui ne vivent pas avec un conjoint et des enfants peuvent trouver dans l’Eglise la grande famille qui permet à chacun de vivre sa vocation.
Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, inspirez-nous, venez en aide à nos familles !