A-t-on jamais connu rien de pareil ?
La fête de la Sainte et indivisible Trinité que l’Église nous propose après la Pentecôte est l’occasion d’une bien utile mise au point sur ce qui est réellement l’objet de notre foi. Mais, loin de nous offrir une image claire et distincte de ce qu’est Dieu, elle nous dit bien plutôt ce qu’il n’est pas.
Les Pères de l’Église avaient fort à faire avec ces logiciens expérimentés qu’étaient les hérétiques ariens et qui, partant d’une notion supposée admise de Dieu, cherchaient à montrer que la divinité du Fils et de l’Esprit était une absurdité. Or ces grands spirituels (en même temps qu’immenses théologiens) qu’étaient saint Athanase, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Augustin et les autres, protestaient en disant : « ne parlez pas de Dieu comme vous le feriez d’une idée, d’un concept manipulable à volonté ; Dieu est Dieu et il vous dépasse de partout ; ce qu’il nous a révélé de lui est réel, mais nous invite d’abord au respect devant sa transcendance. C’est en nous montrant d’abord ce qu’il n’est pas qu’il nous fait entrer dans son Mystère et nous laisse entrevoir, à la limite, une plénitude surabondante. »
Tout ce que nous pouvons dire de lui revient à écarter tout ce qui serait une représentation fallacieuse : nous le disons « éternel » pour marquer qu’il n’est pas limité par le temps, tel que nous le vivons, « tout puissant » pour refuser toute limite à son champ d’action. Il en est de même pour le sujet qui nous occupe aujourd’hui : reconnaître la sainte Trinité, c’est dire que Dieu n’est pas un vieux garçon solitaire, en même temps qu’on écarte toute image banalement familiale, dans laquelle il y aurait côte à côte Monsieur, Madame et les enfants, car le Père n’est pas plus âgé que le Fils (et l’Esprit) et que l’Esprit n’est pas un deuxième Fils du Père ou un Fils du Fils, etc…. Et, bien sûr, les personnes ne s’additionnent pas pour donner trois dieux.
Est-ce pour autant qu’il n’y a rien à comprendre et qu’on doive accepter la Trinité comme un rébus indéchiffrable ? Surtout pas ! L’esprit, une fois purifié par cette mise à distance, pourra entendre les paroles de Jésus qui nous entretient de son Père et de l’Esprit : « le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il doit faire » (Jean 5,20)… « quand il viendra lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur » (15,26)… Il aura fallu toute la rigueur des définitions dogmatiques pour préserver l’espace où Dieu va manifester sa manière d’être, ou plus exactement ces trois « manières d’être » que sont les trois personnes divines, chacun d’elles existant dans sa relation avec les deux autres.
Certains diront peut-être : nous n’avons peut-être pas de définition de Dieu, mais nous savons au moins qu’il est « amour », puisque saint Jean nous le dit. C’est tout à fait vrai. Mais il nous reste peut-être à découvrir ce qu’est l’amour, car nous n’en sommes pas la mesure…
Où donc, sinon auprès de la Trinité ?