La foi vivante et la foi morte
L’Apôtre saint Jacques semble apporter de l’eau au moulin de ceux qui pensent que la foi n’est pas nécessaire au salut. Il serait alors en opposition avec saint Paul qui semble bien dire le contraire et l’accord signé en 1999 avec nos frères protestants pour affirmer le primat du salut par la foi serait donc à revoir. Curieux quand même que le Nouveau Testament soit si peu cohérent et enseigne une chose et son contraire.
Non il faut être un peu intelligent et comprendre que ce que saint Jacques appelle ici foi n’est qu’une caricature de la foi, réduite à quelques affirmations répétées sans conviction, bref une foi morte. Les démons « croient » sans doute que Dieu existe, mais l’acceptation de cette évidence ne leur est d’aucun secours. Quand Jésus dit « ta foi t’a sauvé », il parle visiblement d’autre chose : une remise de soi à Dieu, une confiance sans borne, une adhésion de tout l’être.
Et cette foi inclut évidemment l’amour, saint Paul parle dans la lettre aux Galates 5,6, d’une foi « qui agit par la charité ». Comment croire que Jésus est tout pour nous, qu’il vient de Dieu pour nous sauver, que son amour est le plus grand bien auquel nous puissions prétendre… et en même temps mépriser ses plus expresses recommandations ? C’est tout simplement impossible ! Ou plus tôt, cela nous arrive, il faut le confesser, mais par une aberration d’un moment. Dès que nous nous ressaisissons, que nous prions tant soit peu, nous ouvrons les yeux et nous voyons que la charité n’est pas facultative et qu’elle est le plus beau fruit de la foi poussée jusqu’au bout.
Si on a cessé d’opposer « foi » et « charité », on est peut-être mieux armé pour aborder le problème posé par la grande parabole du jugement dernier en Matthieu 25, où Jésus sépare les brebis des boucs. Il est probable que dans cette scène grandiose, le Christ parle du salut de ceux qui n’ont pu le connaître directement parce que la foi ne leur a pas été annoncée, mais qui seront jugés sur leur attitude de service et de dévouement pour « ses petits qui sont (ses) frères ». On en déduit souvent que ce qui est décisif, ce n’est pas la foi (puisque même les bons n’ont pas reconnu Jésus dans le malheureux qu’ils ont servi), mais la charité. Le cardinal Lustiger faisait néanmoins remarquer que l’expression « ces petits qui sont mes frères » désigne partout ailleurs dans l’évangile les disciples du Christ (Matthieu 10,42 ; 11,25 ; 18,6 ; 18,10 ; 18,14) et non pas tout homme dans la difficulté. Il en concluait que le jugement portait sur l’accueil de ceux qui appartiennent au Christ, parce qu’ils ont cru en lui. Le monde serait jugé sur la façon dont il a reçu les envoyés que Dieu a mis d’une façon ou d’une autre sur sa route : « qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé » (Matthieu 10,40). Ce qui ne nous empêche pas évidemment de prendre pour nous la leçon d’altruisme qui se dégage de cette scène !
Et cette autre leçon : de faire de notre foi une foi vivante et active et non une simple habitude routière !