Aimer la sagesse plus que la santé
C’est ainsi que s’exprime Salomon, d’après ce que nous rapporte le livre de la Sagesse : « J’ai préféré [la Sagesse] aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; plus que la santé et la beauté, je l’ai aimée ».
Pour beaucoup de gens surtout aujourd’hui, la sagesse, c’est de s’occuper de sa santé, c’est de tout faire pour la préserver. On pouvait croire, il n’y a pas si longtemps, que c’était l’économie qui régissait le monde, nous venons de vivre des évènements qui prouvent que la santé est aujourd’hui un impératif plus fort que l’expansion économique, que le confort et même que la liberté. On est prêt à tout accepter pour se mettre à l’abri d’un virus dont la nocivité en termes de chiffres passe pourtant bien après d’autres menaces.
Même la foi et la spiritualité sont parfois envisagées d’un point de vue qui est celui du bien-être, de l’équilibre, du fitness. Le recueillement est présenté comme un délassement, la confession comme une cure pour éliminer la culpabilité, la méditation comme un moyen de combattre le stress etc… etc… Nous rejoignons ainsi une tendance très ancienne des religions païennes où abondaient les cultes guérisseurs : en dormant dans l’enceinte sacrée du temple d’Esculape ou de tel autre dieu, on espérait recevoir (généralement dans une vision) le secret d’une guérison miraculeuse. On a montré qu’Israël avait eu fort à faire pour s’éloigner de cette vision thérapeutique de l’intervention divine. Sans la faire complètement disparaître (témoin l’ange Raphaël, dont le nom veut dire : « Dieu guérit »), la Bible préfère le thème sur « salut », qui suppose une délivrance du mal par un acte direct qui établit une relation personnelle entre Dieu et l’homme. Dieu n’est pas le garagiste qui remplace la pièce défectueuse de la machine, tandis que l’homme continue de poursuivre les buts qui sont les siens. Le Sauveur nous remet dans un rapport juste avec lui, et nous oblige à revoir nos priorités.
La paix du cœur, l’harmonie dans nos relations avec les autres, le fait d’être bien dans sa tête et dans son corps, tout cela n’est pas négligeable et il vaut mieux ça, bien sûr, que le contraire. Mais ce n’est pas l’objectif suprême, parfois même il vaut mieux risquer de perdre l’un ou l’autre de ces biens pour le service du prochain et l’amour de Jésus, qui nous demande souvent le sacrifice de notre tranquillité. Sainte Thérèse d’Avila a écrit quelque part que si on n’est pas prêt à prendre de risque, fût-ce au détriment de notre santé, on ne progressera jamais dans l’union à Dieu…
C’est bien cela la Sagesse dont parle l’Écriture, ce n’est pas le « rien de trop » des sages de ce monde, c’est de savoir ce qui donnera sens à notre vie. Saint Paul nous redit sur tous les tons que la folie de la Croix est la vraie sagesse. A la croix, il n’y avait pas beaucoup de sérénité, mais plutôt des cris et des violences, mais c’est quand même là qu’a jailli la source de la Vie.