Le langage apocalyptique
Dans le missel des dimanches que j’utilise habituellement, il y a avant chaque lecture une petite notice destinée à en fournir l’intelligibilité. Mon attention a été attirée par celle qui figure avant l’évangile de ce dimanche : « Le sens final de la création, c’est le rassemblement de tous les justes dans le Royaume d’amour. Pour l’expliquer, Jésus reprend un langage apocalyptique qui appartient à la tradition juive. Il annonce l’imminence des derniers temps et il dissuade en même temps ses disciples de vouloir en déterminer le moment. Il les exhorte seulement à veiller pour être prêts à tout moment ».
Donc on nous explique qu’il y a une vérité qui se cache derrière un « langage » étranger à notre tradition culturelle. Et fort heureusement nos commentateurs sont assez éclairés pour nous décrypter tout cela : Jésus n’a pas annoncé un évènement précis qui s’accompagnerait d’un bouleversement du cosmos et d’un jugement final. Son message est de nous garder ouverts sur l’avenir, refusant de nous installer, participant au progrès de l’humanité qui attend de se retrouver dans un grand rassemblement où la fraternité coulera à plein bord.
J’exagère à peine. Mais quand on a révoqué l’expérience de l’Ancien Testament dans les brumes du passé, quand on l’a ramenée à n’être plus qu’un langage daté et donc périmé, on en vient très vite à substituer à la vision proprement chrétienne de l’histoire un discours intemporel et moralisant. C’est ainsi que s’éloigne peu à peu de la conscience des fidèles l’attente concrète d’une irruption de Dieu dans l’histoire. J’ai dû déjà raconter ma surprise, en voyant un outil pédagogique destiné à soutenir l’évangélisation (le « kérycube ») où figuraient presque toutes les vérités de la foi chrétienne… sauf le retour du Christ ! Et comme je m’en étonnais, on m’expliqua que le Christ revenait déjà parmi nous dans chaque eucharistie. … Évidement, mais c’est si je ne m’abuse, pour nous préparer à son dernier avènement !
Le résultat, c’est qu’on ne sort pas de la bulle. L’homme s’est cru la mesure de toutes choses, il a fabriqué par la technique un monde à sa mesure, il a prétendu le dominer. Les maîtres à penser d’aujourd’hui sont sans doute prêts à faire une place au christianisme, si celui-ci va dans son sens et donne une caution morale à ce processus. Mais qu’on ne parle surtout pas de Péché originel et de Résurrection de la chair, ce qui laisserait croire qu’en amont et en aval il y a autre chose que le monde présent !
Mais nous, continuons d’espérer que Dieu un jour bousculera le jeu et fera toutes choses nouvelles ! N’ayons pas peur du « langage apocalyptique », même s’il est surprenant au début. Il a le grand avantage de nous dire l’inouï de l’intervention de Dieu avec un luxe d’images qui en montre l’incroyable richesse et en garde la transcendance. Ne nous pressons pas de « démythologiser », nous perdrions tout.