Le Seigneur est notre justice !
Nous commençons notre Avent en entendant l’oracle de Jérémie qui annonce l’avènement un roi juste dont le nom sera précisément celui-là : « le Seigneur est notre justice ». Il y a un certain humour à cela, car le roi qui s’appelait effectivement ainsi (Sédécias) a déçu profondément l’espoir qu’avait mis en lui le prophète, c’est même lui qui a précipité le peuple de Judée dans la crise finale qui aboutit à la destruction de Jérusalem ! Et pourtant Dieu, lui, ne déçoit pas, IL EST notre justice.
Mais que veut-on dire exactement par-là ? Parle-t-on seulement d’équité ? Dieu sans doute est juste en ce sens-là aussi, mais ce n’est pas ce qui apparait en premier : il y aura toujours des gens pour trouver que Dieu ne les a pas traités à la hauteur de leur mérites. Non « justice » a, dans l’Ancien Testament, un sens beaucoup plus large que l’on devine dans le Psaume 72 (71) : « Dieu donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice. Qu’il gouverne ton peuple avec justice, qu’il fasse droit aux malheureux ! (…) Il délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours. Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie ». La justice est d’abord une qualité royale, avant d’être le fait d’un individu. C’est un gouvernement sage et pacifique, qui assure à chacun sa place dans la société et autour de qui règnent la paix et l’harmonie. En conséquence, elle inclue le souci des plus faibles, qui n’étant pas en mesure de se défendre eux-mêmes, comptent sur l’autorité tutélaire du roi pour les protéger.
Quand on applique la justice à Dieu, on n’est pas loin de la notion de Providence, dont tout l’art est de régir la création entière et de faire tendre à un même but tous les êtres qui peuplent le ciel et la terre. Dieu ne régit pas de la même manière les puissances cosmiques, les hommes et les anges. Ceux qui ont une intelligence et une liberté, il les associe à son plan, il leur donne une part de sa puissance pour décider et orienter leur chemin, avec tous les alea que cela inclut, du fait de leur liberté tout cela mesuré selon les forces de chacun, étendu dans le temps (car, pour Dieu, « mille ans sont comme un jour »), proportionné au but à atteindre. Qui peut prendre la mesure de cette « justice » ? Au lieu de « tout puissant » (omni potens), certains Pères de l’Eglise parlent du Dieu « qui tient tout » (omnitenens) et c’est assez bien vu.
Si la justice de Dieu, c’est cela, cela veut dire qu’il nous faut de la patience pour en juger, car cette justice ne se voit jamais qu’après coup. C’est toute une alchimie qui se révèle quand nous regardons derrière nous et que nous voyons comment l’impossible a été rendu possible, comment Dieu a su tirer d’un mal (qu’il n’a pas cru sage d’empêcher) un bien qui produit des fruits en abondance.
Il est important, au moment où l’Avent commence et où nous est rappelée la perspective du bouleversement qui marquera la fin du monde présent, d’ouvrir les yeux sur la justice de Dieu (qui n’est pas différente de sa miséricorde). C’est dans le grand théâtre de la Création que se joue notre avenir et c’est Dieu qui, dans son infinie perfection, nous donne l’espace pour avancer, nous apprend que nous avons des amis (les saints, les anges), mais aussi des ennemis, surtout que nous pouvons compter sur lui qui est capable de mobiliser sa puissance pour nous ramener à lui (comme la brebis sur les épaules de son pasteur).
Oui, Dieu est notre Justice !