La prière de Jésus
Dans le récit du Baptême au Jourdain, saint Luc est le seul à mentionner la prière de Jésus au moment où va apparaître la colombe de l’Esprit et où va retentir la voix du Père. Le troisième évangile est particulièrement attentif à nous montrer le Christ en train de prier. C’est lui, par exemple, qui souligne que le choix des Douze s’opère au terme d’une nuit de prière (6,12).
Le fait que le Christ ait prié n’est pas sans troubler certains, qui sont si persuadés que Jésus est Dieu lui-même (ce en quoi ils ont raison) qu’ils se demandent qui il peut bien prier. Bien sûr, nous leur répondrons que c’est le Père que Jésus invoque et qu’il le fait en tant qu’homme parmi les hommes. Mais peut-être que notre interlocuteur ne sera pas convaincu pour autant et objectera : « oui mais, dans la Trinité, les trois personnes ont une seule et même volonté, alors comment le Fils aurait-il besoin de demander quelque chose au Père ? Si c’est en tant qu’homme qu’il parle, c’est juste pour nous faire comprendre l’importance de la prière, notre devoir de créature, car nous, nous devons prier, parce que nous ne sommes pas Dieu. Mais lui, il n’a pas besoin de cela. »
Pas besoin de prier ? Alors que nous le voyons passer des nuits entières à cela, connaître des moments d’incroyable jubilation quand il épanche son cœur dans une longue confidence à son Père ? Soyons sérieux : Jésus est d’abord un être de prière, brûlé de l’amour du Père. Sa prière n’est pas du cinéma, c’est une exigence de tout son être.
A vrai dire, il est même venu chez nous pour cela : transplanter dans la condition humaine ce qu’il vivait de toute éternité dans la Trinité. La vie de Dieu, c’est l’amour mutuel des Trois. Le Fils a une façon à lui d’aimer le Père, c’est de se recevoir éternellement de Lui, de reconnaître le don infini qui le constitue, d’admirer la source inépuisable dont il est issu. Et cet amour rejaillit en un débordement qui est l’Esprit, le troisième qui procède des deux.
Cet amour, quand il le vit dans une humanité semblable à la nôtre, ça s’appelle : prière. Attention ! La prière, même pour nous, ne se limite pas à la demande de ce qui nous manque, c’est aussi la contemplation de l’être qui nous est cher, l’émerveillement devant ce qu’il nous donne, l’offrande de tout notre être. Or cela Jésus l’a vécu, et à un degré inimaginable. C’était si beau de voir Jésus prier qu’un jour les disciples lui ont dit : « apprends-nous à prier ! ».
Nous avons été créés, comme dit saint Ignace de Loyola, pour « louer, respecter et servir Dieu notre Seigneur et par là sauver (notre) âme ». C’est notre activité principale, qui devrait inspirer toutes les autres, en effet c’est pour Lui et en Lui que nous aimons nos proches, pour Lui que nous activons notre intelligence, pour Lui que nous contribuons à la beauté du monde. C’est cette capacité que les hommes ont gâchée par l’idolâtrie, la magie et qu’à l’heure actuelle, ils refoulent au fond d’eux-mêmes.
Jésus, par sa grâce, est venu nous la rendre possible, heureuse et constante…
Seigneur, apprends-nous à prier !