Tenez bon dans le Seigneur
L’Apôtre Paul cherche à entretenir la flamme qu’il a allumée dans le cœur de ses chrétiens de Philippes, il les encourage à tenir bon face à la contradiction et bientôt la persécution ouverte. Jésus aussi, de son côté, avait préparé l’avenir, il savait que la foi de ses disciples risquait d’être broyée par les évènements qui allaient avoir lieu à Jérusalem. Pourtant la Transfiguration n’a pas suffi à les garder dans la confiance. L’arrestation, le procès et le supplice de la Croix ont fait voler en éclats leur engagement aux côtés du Christ.
On voit bien là qu’une expérience, si forte soit-elle, ne suffit pas à elle seule à rendre la foi inébranlable. J’ai connu une personne qui, dans son enfance, avait été bénéficiaire d’un véritable miracle et qui plus tard s’était éloignée du Seigneur et avait perdu la foi. D’ailleurs, dans la Bible, on nous montre les Hébreux qui avaient vu le bras de Dieu agir puissamment en leur faveur dans la traversée de la Mer Rouge et qui quelque temps après perdaient courage et remettaient en cause leur confiance en Dieu et en Moïse.
C’est pourquoi le Christ ne nous conquiert pas à coup de miracles et de grâces sensibles, il parle aussi à notre intelligence. Déjà, dans la scène de la Transfiguration, la présence de Moïse et d’Elie devrait nous mettre sur la piste : par ces deux grandes figures, le destin de Jésus s’inscrit dans un paysage connu. Pour des hommes qui étaient nourris de la Bible et du grand récit qu’elle déploie, c’était une manière de leur montrer que les évènements qu’ils vivaient n’étaient pas étrangers à ce passé et faisaient partie du même dessein de Dieu. Quand il sera ressuscité, le Seigneur, avant même de dévoiler complètement sa présence, veillera à ce qu’ils aient l’arrière-plan biblique qui leur fournira un cadre où la Résurrection prendra sens : pas seulement un prodige incompréhensible, pas seulement un tour de force, mais cela-même qui va si bien avec ce Dieu qui a créé l’homme par amour et qui, ayant enfin vaincu en lui le péché, peut réaliser sur lui son projet de bonheur.
Le christianisme ne nous demande pas de faire le sacrifice de notre intelligence. C’est elle au contraire qui mènera les hommes à une foi solide et éclairée. Ce qui ne veut pas dire qu’on pourrait rester à l’extérieur et attendre indéfiniment la preuve qui nous convaincrait. Dieu se révèle rarement dans ce genre de défi. Il faut bien qu’il y ait une première écoute, un commencement d’attention, pour nous rendre sensibles aux signes semés sur notre route, mais, quand nous aurons commencé à saisir le fil d’or, il faudra aller jusqu’au bout, jusqu’à ce moment de clarté, où nous pourrons dire : « c’est vrai ! »
Et cette foi-là, elle pourra résister aux attaques, aux critiques, à la déception devant les spectacles désolants que nous trouvons parfois jusque dans l’Église…