Dieu au buisson ardent
Dans le récit de l’épisode du Buisson Ardent, on trouve cette phrase touchante : « Le Seigneur vit que Moïse avait fait un détour pour voir et Dieu l’appela du milieu du buisson ». Dieu est tellement investi dans cette scène qu’on dirait presque qu’il habite matériellement dans le Buisson et que, de ce poste d’observation, il remarque ce qui se passe autour de lui. Pourtant nous savons, avec toute la Bible et l’enseignement de l’Eglise, que Dieu n’a pas de corps, qu’il n’est pas situé dans l’espace, pas plus que dans le temps. Dans des cas semblables (comme l’intervention divine pour arrêter le sacrifice d’Isaac), on nous parle d’un ange qui agit et parle au nom de Dieu, mais là c’est bien Dieu qui est le sujet. Est-ce à dire que Dieu s’est dérangé, qu’il a quitté son ciel pour venir sur la terre ? Dieu n’a rien à quitter, le ciel n’est pas l’espace au-dessus de nos têtes, il est là où Dieu est. C’est le domaine de Dieu qui est si grand, si puissant que rien ne le limite. Il peut donc se rendre proche de sa créature, sans rien abdiquer de sa transcendance.
Sans attendre l’Incarnation, qui manifestera jusqu’à l’extrême cette aptitude de Dieu à aller au contact, nous découvrons la manière de faire du Très Haut quand il engage un dialogue, un vrai dialogue, avec un être humain. Il ne le toise pas de haut, il est même en dessous, il se présente (« je suis le Dieu de ton père »), il lui parle un langage simple : « j’ai vu.. . », « j’ai entendu… » et, si celui-ci a des questions, il lui répond….Pas d’éclair, pas de tonnerre, ni d’ouragan
Mais les choses sont claires : c’est le Tout-Puissant qui parle à l’homme. Il existait avant qu’Abraham ne fut, il sera encore quand Moïse ne sera plus de ce monde. Son projet bienveillant se déploie sur plusieurs générations. Il ne demande rien pour lui. Il est sans rival. Les dieux de l’Egypte n’existent pas devant sa face.
Il est le Dieu qui appelle, il sait d’où vient Moïse, il l’a préparé dès le sein de sa mère. Il attendait qu’il soit prêt pour lui révéler sa vocation, c’est maintenant chose faite. Il n’y a pas à discuter, même s’il répond aux difficultés que lui présente son interlocuteur. Mais il y aura encore bien des choses à lui apprendre pour accomplir sa mission jusqu’au bout.
Reste l’énigme du Nom. « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : ‘Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.’ Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » Ce n’est pas une curiosité malvenue qui pousse Moïse à s’informer du Nom. Dans le monde où il vit, connaître le nom divin, c’est avoir un pouvoir sur la divinité ainsi désignée, il y a donc lieu de trembler. Mais comment se dire l’envoyé, si on ne connait pas le nom de l’envoyeur ?
La réponse de Dieu, nous la connaissons tous : « JE SUIS CELUI QUI SUIS » (ou « je suis ce que je suis », ou encore : « ce que je serais »). L’ambiguïté est inhérente à ce nom : il révèle et à la fois il cache, selon qu’on prend l’une ou l’autre traduction : « je suis ce que je suis » renvoie au caractère inconnaissable de Dieu. « Je suis celui qui suis » nous dit sa consistance dans l’être, Dieu EST absolument et complètement, nous, nous passons, lui sera toujours là. Bienheureuse ambiguïté qui nous met en garde contre tout discours sur Dieu qui le ferait rentrer dans l’échelle des êtres, fût-ce comme le premier.
On n’aura pas trop de toute cette troisième semaine de Carême pour méditer ce texte.