“Comme Il l’avait dit”
Dans l’antienne mariale du Temps pascal (le Regina Coeli), nous chantons comme motif de joie pour notre Reine : resurrexit sicut dixit : « il est ressuscité, comme il l’avait dit ». Mais on peut se demander : qu’ajoute à la joie de Pâques le fait que Jésus l’ait dit, c.a.d. l’ait annoncé à l’avance ?
On peut dire : pour celle qui a tenu bon dans la foi (la seule), c’est un hommage discret qui salue sa confiance en son fils, confiance qui ne s’est jamais démentie malgré les terribles épreuves de la Passion. Elle seule a pris assez au sérieux les paroles de Jésus pour se dire devant l’évidence contraire : « il l’a dit, c’est donc vrai, tôt ou tard on verra la réalisation de ce qu’il a promis ».
Mais allons plus loin. Oui, Jésus avait annoncé sa Résurrection : dans chacune des trois annonces de la Passion qui ponctuent le récit de la vie publique, celle-ci arrive à la fin : « et le troisième jour, il ressuscitera ». On se souvient aussi qu’après la Transfiguration, « Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette parole, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts » (Marc 9,9-10).
Lazare a peut-être vu venir sa mort, mais il n’a surement pas annoncé sa résurrection. Pour annoncer une chose pareille, il faut être totalement dans le secret de celui qui mène l’histoire et donne la vie. Quand Jésus déclare : « j’ai le pouvoir de donner ma vie et le pouvoir de la reprendre (ou : de la recevoir à nouveau) » (Jean 10,18), il est à la fois celui qui subit son sort et celui qui domine la situation. Dominer la situation ne voulant pas dire être épargné par la souffrance. Même sur la croix, c’est lui qui est le Maître et qui dispose du ciel pour le Bon Larron, alors qu’il n’a plus qu’un souffle sur les lèvres…
Si la Résurrection était, de fait, annoncée, c’est qu’elle n’est pas un miracle comme un autre, un happy end dont Jésus serait le bénéficiaire, mais qu’elle est l’épisode décisif d’un plan concerté dont il a la clef. Par le fait même, elle confirme la validité de tout ce qu’il avait dit et enseigné jusque-là, elle apporte le sceau de Dieu sur toute une vie donnée, dont le sens apparait soudain en pleine lumière.
Pendant quarante jours Jésus va s’appliquer à montrer que l’évènement du tombeau vide répond à l’attente de l’Ancien Testament. Était-ce pour le plaisir de démontrer, Bible en main, que l’évènement n’était pas si incroyable que cela ? Bien plus surement, il s’agit de montrer que la Résurrection, comme la dernière pièce d’un puzzle, permet enfin de saisir le sens de tous ces éléments dispersés qu’on a essayé de rapprocher : au-delà de l’aventure personnelle de Jésus, s’esquisse la cohérence du projet de Dieu sur Israël, puis sur l’humanité et sur le cosmos tout entier.
Nous aussi nous bénéficions d’une annonce : Jésus nous a dit : « je reviendrai », gardons vivante dans notre cœur une telle promesse. Ne laissons pas la lassitude et l’oubli nous priver de cette joie : savoir d’avance que notre bonheur est en route !