Cent cinquante-trois poissons
Nous écoutons ce dimanche le récit de la deuxième pêche miraculeuse, celle qui a eu lieu après la Résurrection, c’est même le seul miracle de Jésus ressuscité qui nous soit rapporté. En écho à la première, celle qui détermina Pierre, André, Jacques et Jean à suivre le Maître galiléen et à tout quitter, celle-ci concerne sept disciples (dont Pierre et les fils de Zébédée) qui sont retournés en Galilée pour reprendre leur ancienne vie, elle leur redonne confiance en leur maître, car leur foi, encore toute fraîche, en la Résurrection a besoin d’être confortée. Et là, dans un autre cadre et au contact de la vie quotidienne telle qu’ils l’avaient connue avant leur appel, ils comprennent qu’ils n’ont pas rêvé et que Jésus est bien vivant et les appelle toujours à la mission.
Le Pères de l’Eglise, toujours à l’affût d’un rapprochement qui donne du sens à chaque recoin du texte sacré, n’ont pas manqué de s’interroger sur le nombre 153 qui est celui des poissons ramenés dans les filets des apôtres. Saint Augustin, par exemple, nous assure qu’en additionnant tous les nombres de 1 à 17 on arrive à 153, or 17, c’est le total de 10 (commandements) et de 7 (dons du Saint Esprit), la loi plus la grâce, un résumé de la vie chrétienne !
Pourquoi pas ? Mais c’est peut-être, tout simplement, qu’il y avait effectivement 153 poissons dans le filet des apôtres. Sans doute, mais gardons-nous d’opposer ces deux explications (symbolique et factuelle), nous nous éloignerions déjà de la pensée des Pères, qui ne doutaient pas un instant que le renseignement fourni par saint Jean était exact. Mais, Dieu ne faisant jamais rien au hasard, ils voyaient dans ce chiffre un sens et une portée qui dépassaient l’exactitude historique (tout en la supposant) : une vérité spirituelle qu’il nous appartenait de déchiffrer.
Chrétiens du XXIe siècle, nous sommes malheureusement marqués par une critique rationaliste qui nous a habitués à penser qu’une conviction spirituelle n’a pas de fondement dans la réalité, qu’elle fait nécessairement fi de l’exactitude historique, modifiant les faits pour les besoins de la cause. Ce soupçon généralisé rend inaccessible la vérité des évangiles : on va par exemple remettre en cause la naissance de Jésus à Bethléem, pour ce motif que ça cadre trop bien avec la prophétie de Michée qui annonçait un Sauveur qui naîtrait dans la cité de David. Et pourquoi les témoins qui nous rapportent ces faits seraient-ils disqualifiés, pourquoi le fait ne précéderait-il pas l’explication ? Evidemment, la seule raison, c’est que les témoins sont croyants et donc, aux yeux des sceptiques, intéressés à ce que les faits cadrent avec leur théorie. Mais, s’il n’y a aucun fait, comment étaient-ils devenus croyants ? Et la certitude qu’ils avaient peu à peu acquise que Jésus était la vérité ne les obligeait t’elle pas, plus que d’autres, à traiter avec un infini respect les informations qu’ils détenaient ?
C’est toute une guérison intérieure qui nous est nécessaire pour sortir de cet a priori négatif qui n’a rien en lui-même de scientifique, mais qui nous fausse l’accès au réel ?
N’ayons pas peur d’affirmer ce que la foi en la Résurrection nous présente et sondons toujours plus les Écritures pour en percevoir toutes les harmoniques !