Croire à la Résurrection de la chair
On le sait : la croyance en la Résurrection finale est une donnée récente dans la foi d’Israël, elle n’apparaît pas clairement dans l’Ancien Testament avant les derniers livres mis par écrit (livre de Daniel et 2e livre des Maccabées). Du temps de Jésus, seuls les pharisiens soutenaient cette position.
Pourquoi ce retard ? Il faut se rendre compte qu’il y a eu en Israël un refus très net de spéculer sur l’au-delà et d’imaginer le futur sur le modèle du présent (comme chez les Egyptiens). Cette mythologie qui enjambe la mort et se permet de distribuer des punitions et des récompenses au gré de ses désirs et de ses imaginations a paru aux croyants de l’Ancienne Alliance un déni de l’initiative divine, une volonté monstrueuse de se rendre maître de l’éternité. Dire qu’il n’y a rien après la mort et que c’est en cette vie que Dieu nous attend a semblé en définitive une position plus saine. C’est pourquoi nous la trouvons dans plusieurs textes de l’Ancien Testament : « c’est le vivant, le vivant, qui te rend grâce comme moi aujourd’hui » (Isaïe 38,19). Mais c’était une position d’attente. Elle a empêché les juifs de céder à l’illusion de la transmigration des âmes (la réincarnation) qui à partir du 5e siècle avant notre ère a sévi un peu partout en Orient comme en Occident.
Mais, parallèlement, on voyait s’affirmer la conviction que Dieu ne veut pas la mort des hommes et qu’un jour il y mettra fin. Isaïe n’a-t-il pas déclaré : « Dieu détruira la mort pour toujours » (25,8) ? Et les psaumes ne nous parlent-ils pas de l’intervention divine qui « empêchera son Elu de voir la corruption » (Psaume 15,10). Jésus, qui a dû citer ce psaume, a fourni une autre pièce au dossier, celle qu’il énonce dans l’évangile d’aujourd’hui. Si Dieu, apparaissant à Moïse, se dit « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », c’est que ces antiques personnages ne sont pas tombés dans le néant le jour de leur mort !
Il revenait incontestablement au Christ d’être bien plus que l’annonciateur de la Résurrection : lui le premier l’a vécue dans sa chair, non comme un épisode momentané, mais comme l’entrée dans une vie plus dense. « Le Christ ressuscité des mort ne meurt plus, la mort n’a plus sur lui d’empire » (Romains 6,9). La patience d’Israël, qui n’a pas voulu d’une espérance fantasmée, s’en est trouvée récompensée. La résurrection n’est pas l’expression du désir humain de se prolonger dans l’au-delà, elle est un acte de Dieu qui s’inscrit dans l’histoire des hommes. Elle révèle, en l’accomplissant, jusqu’où va la sollicitude divine pour sa créature humaine. Et ce qu’il fait là est si peu la projection d’un rêve humain que personne n’avait imaginé une chose pareille : l’au-delà oui ! le ciel pourquoi pas ? Mais, vous vous rendez compte ? un être humain, corps et âme, en chair et en os, se relevant de la mort et de quelle mort ! et en même temps délivré de toutes les limitations qui sont celles du monde présent, entrant toutes portes closes, apparaissant à plusieurs lieux en même temps !
Nous n’avons pas fini de réaliser ce qui nous est arrivé là ! Non, nous ne sommes pas au bout de nos surprises !