Le Maître de l’avenir
Etonnant, le passage d’Evangile que nous propose cette année la liturgie de la fête du Christ Roi ! C’est un épisode de la Passion : Jésus agonise sur la Croix et celui que nous appelons le « Bon Larron », crucifié avec lui, lui demande de se souvenir de lui « quand il viendra comme Roi ». La reconnaissance de la royauté de Jésus en un pareil moment est extraordinaire. On peut se demander ce qui a conduit ce malheureux à une telle conclusion. La réponse est simple en apparence : le motif de la condamnation du Galiléen était inscrit au-dessus de sa tête et portait ces mots « Jésus de Nazareth, Roi des Juifs ». Mais ce qui n’était pour les autres qu’un motif de dérision lui a paru à lui une réalité et une réalité qui allait au-delà de la vie présente.
La réponse de Jésus, à peine audible sans doute, tant le souffle était court, confirme cette intuition : « Je te le dis : en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ». Parole vraiment royale ! Il invite le Larron en paradis, comme Louis XIV inviterait un duc et pair au Château de Versailles pour une fête. Qui est-il pour dire ces mots-là dans de telles circonstances ? Lui qui n’a plus rien, ni honneur, ni disciple, ni vêtement dispose de l’avenir au-delà de sa mort ! Et c’est bien ce qui doit retenir notre attention. Ou bien on est là en présence d’un fou et d’un mégalomane, ou bien il est effectivement Roi, parce qu’il sait ce qu’il dit et que le Père le justifiera à la fin. Il a pu déclarer: « le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas », ou encre : « détruisez ce Temple et en trois jours je le rebâtirai ! » et tout cela a déjà commencé à se réaliser….
Les rois de la terre se succèdent, les présidents laissent leur place à d’autres, leur mandat fini. Personne n’a la possibilité de sonder vraiment l’avenir et moins encore de l’influencer, même si certains s‘y sont essayés. Pourtant ça leur serait très utile, à ces chefs de peuples, s’ils savaient dans quel sens va l’histoire et ce qu’on peut espérer du futur !
La force de Jésus, c’est qu’il est le maître de l’avenir, non qu’il le voie comme un devin qui aurait un don de « seconde vue », mais parce que l’avenir est devant lui dans la lumière du Père : il sait le combat à mort qui se déroule avec le Prince de ce monde, il sait que celui-ci, complètement défait au matin de Pâques, continuera pourtant la lutte avec ses disciples, ceux qui « possèdent le témoignage de son Nom » jusqu’au jour et à l’heure prévus par le Père et il nous arme pour ce combat.
Nous allons donc ce dimanche honorer notre Roi, le chanter, mais surtout entrer dans son obéissance au Père. Participer à la fidélité douloureuse et triomphante dont il a donné plus que l’exemple : la permanente réalité à laquelle nous pouvons puiser dans les sacrements….