Connaître Jésus selon l’Esprit
Curieuse scène qui tient lieu du récit de baptême de Jésus dans l’évangile selon saint Jean ! Nous sommes habitués à une toute autre mise en scène par Marc et Matthieu (Luc passe aussi très vite sur le baptême d’eau). Ce qui nous étonne le plus, c’est que Jean-Baptiste déclare n’avoir pas connu personnellement Jésus avant d’assister à la descente sur lui de l’Esprit : « je ne le connaissais pas ».
N’était-il pas son cousin ? Ne lui avait-on jamais raconté dans quel contexte sa mère, enceinte de lui, avait rencontré Marie portant Jésus en son sein ? Nous ne savons pas tout, évidemment, des trente années qui s’étaient coulées depuis la naissance des deux enfants. Mais avons-nous besoin d‘imaginer des péripéties compliquées, alors que Jean nous dit tout simplement qu’il a commencé ce jour-là à « connaître » vraiment Jésus, c.a.d. à le connaître dans l’Esprit ? Bien sûr que le fils de Marie n’était pas un inconnu pour lui. Mais il ignorait encore le plus important, ou du moins il ne faisait que le soupçonner.
Saint Paul aussi nous dit qu’il y a un abîme entre la connaissance qu’on peut avoir de Jésus « selon la chair » et celle qui vient de l’Esprit Saint (2 Corinthiens 5,6). Mais attention ! Il ne s’agit pas là d’une connaissance « mystique » qui ferait fi des données concrètes de la vie de Jésus de Nazareth. Le Christ est homme et en venant chez nous il n’a pas triché avec les conditions de son insertion dans notre histoire.
Mais on ne sait encore rien de lui, si on ne l’approche pas « selon l’Esprit », c.a.d. avec un cœur illuminé par l’Esprit Saint et qui entre ainsi dans le secret des relations que le Fils entretient avec son Père. Car telle est bien la mission de l’Esprit : lui qui émane éternellement de l’amour du Père pour le Fils peut seul nous faire pénétrer dans l’intimité des personnes divines. Dans la scène que nous rapporte Jean, l’Esprit « descend » sur Jésus non pas pour lui apporter la force d’en haut comme pour les juges d’Israël, mais pour laisser transparaître ce qu’il est éternellement et que nous ne pouvons voir qu’avec un infini respect et le soutien de ce même Esprit.
Ce que nous apporte le Seigneur Saint Esprit, c’est une vision en profondeur de Jésus, qui dévoile d’où il vient. Comme une image en 3D par rapport à une simple photo plate, il nous livre la transcendance qui l’habite. Mais il faut pour cela être nous-mêmes dans l’Esprit, cet Esprit qui nous porte au delà de nous-mêmes, nous faisant dépasser les concepts morts et les images délavées pour accueillir l’Indicible, qui pourtant est là tout proche, dans la crèche ou sur la Croix, et bien sûr dans la sainte Eucharistie !
Les Pères nous parlent de l’ébriété qui accompagne la connaissance dans l’Esprit, il faut être un peu fou, comme l’étaient les Apôtres à la Pentecôte, pour énoncer le mystère du Christ. Non que la raison soit révoquée, mais elle est portée alors au-delà de ses limites habituelles. Jean-Baptiste avait commencé par tressaillir dans le sein de sa mère à l’approche de Jésus, la même aventure se continue lors de la rencontre qui accompagne le Baptême au Jourdain.
Puisse-t-elle être la nôtre !