Ne te dérobe pas à ton semblable
Voilà une maxime qu’un philanthrope « laïc » pourrait bien accepter. Membres de l’espèce humaine, nous devons avoir le souci de ceux qui partagent notre humanité. Après tout, la même difficulté pourrait bien nous arriver à nous aussi et nous serions heureux d’avoir ce jour-là quelqu’un qui nous tende une main secourable… Mais le texte biblique ne dit pas tout à fait cela, si on traduit littéralement, on a « ne te dérobe pas à ta propre chair ». Pour le prophète, nous sommes donc une même chair avec ceux qui appartiennent à la descendance d’Adam, comme on a dit, dans la Genèse (2,24), que l’homme et la femme seront « une seule chair ». Cela va beaucoup plus loin que d’affirmer qu’au titre de notre humanité (et maintenant on y adjoint les animaux !), nous avons en commun de pouvoir sentir, souffrir, et… et qu’en conséquence il faut aider autrui, si nous le pouvons, à écarter ce que nous craignons pour nous-mêmes.
Saint Paul, lui, nous dit, en parlant du corps que nous formons avec tous nos frères dans la foi : « un membre souffre-t-il ? Tous les membres souffrent avec lui » (1 Corinthiens 12,26). Il s’agit donc d’une vraie com-passion, de « souffrir avec » eux, de porter le fardeau les uns des autres (Galates 6,2), pour éviter que certains ne se découragent et perdent confiance en Dieu.
Même si à première vue, nous semblons de simples individus juxtaposés les uns aux autres, menant seuls notre barque, en fait notre vocation est d’être un. En Adam, nous étions destinés à former un seul corps, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous souffrons des conséquences de sa faute. Cette solidarité mauvaise n’a pas fait disparaît notre existence de personnes responsables, créées dans la ressemblance des personnes divines. Et, depuis que nous avons été sauvés par le Christ et plongés dans l’eau du baptême, nous formons réellement un corps, dont la solidarité est encore plus réelle. C’est de ce corps que nous parle saint Paul dans le chapitre 12 de sa première lettre aux Corinthiens, il a une face visible dans l’Eglise rassemblée autour de l’eucharistie, il a aussi une face invisible qui relie le ciel et la terre.
Et c’est dans l’appartenance à ce corps que nous trouvons notre joie. « Un membre est-il à l’honneur ?, tous les membres s’en réjouissent avec lui » (1 Corinthiens 12,26). Dans la phrase d’Isaïe qui fait immédiatement suite à celle qui nous a fourni le point de départ de notre réflexion, nous lisons : Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Comment aurions-nous tout cela, si nous n’étions branchés sur le Corps ? Dans l’Evangile d’aujourd’hui, Jésus nous dit que nous sommes « la lumière du monde ». Nous, la Lumière du monde ? Sans blague ? C’est lui qui peux dire « je suis la Lumière du monde » (Jean 8,12). Mais, si nous appartenons à son Corps, tout devient possible. « Si nous souffrons avec lui, avec lui nous règnerons ! » (2 Timothée 2,12).