« Je ne sais pas »
Dans le chapitre 9 du quatrième évangile, qui nous rapporte la guérison de l’aveugle-né, revient cinq fois l’expression « je ne sais pas » / « nous ne savons pas ». Dans un cas, elle équivaut à « je ne peux pas savoir », mais, dans les autres c’est surtout parce qu’on ne veut pas savoir, parce que l’on ne veut pas dire (se dire) que l’on sait. La lumière est là, le miracle est patent, mais on peut passer à côté de cette lumière sans la voir, ou en la voyant en partie, tout en cherchant à l’esquiver et même à la nier.
Les athées se figurent souvent que la foi, ce serait de croire sans voir, simplement parce que ça nous arrangerait. En fait, nous ne croyons que parce que nous avons vu. S’il n’y avait rien à voir, nous n’aurions jamais pu croire (n’en déplaise au « pari » de Pascal). Mais, même en voyant, nous pourrions refuser, parce que les signes que Dieu met sur notre chemin sont rarement contraignants. Et là deux possibilités : accepter le nouveau, l’imprévisible qui bouscule nos catégories et s’impose dans sa royale splendeur ou bien dire « je ne sais pas », détourner le regard et regarder ailleurs.
Si nous nous avouons à nous-même que nous voyons, nous créditons le signe qui nous est apparu d’une vérité qui ne vient pas de nous. Si elle provenait du désir que nous en avions, il resterait à expliquer d’où vient cet étrange désir, mais surtout la prétendue rencontre dépendrait de nous et périrait avec le désir qui l’a portée. Quand on prend ses désirs pour des réalités, ça ne dure qu’un temps, tandis que l’irruption d’une lumière qui vient d’ailleurs continue à nous interpeler et à nous faire bouger, malgré l’usure du temps.
Il y a autour de nous beaucoup plus de gens que nous pensons qui ont vu un jour quelque chose de la lumière, mais qui ne s’y sont pas arrêtés et qui ensuite s’en sont détournés. Ils parlent avec une certaine nostalgie de leur enfance pieuse, de telle rencontre marquante, d’un passage à Lourdes ou à Jérusalem, mais, faute de reconnaître la lumière qu’ils ont frôlée, ils ont organisé leur vie sans elle. Et pourtant il ne faudrait pas grand’ chose pour que se réveille en eux cette petite flamme qui brûle peut-être encore.
Qui d’ailleurs est sans contact avec le Verbe qui « éclaire tout homme venant dans le monde » (Jean 1,9) ?