La dernière apparition de Marie
Rassurez-vous ! Je ne fais pas campagne en faveur d’une énième apparition de la Sainte Vierge qui serait survenue ces jours-ci, je parle seulement de la dernière fois où Marie mère de Jésus intervient dans le récit du Nouveau Testament, plus précisément dans les Actes des Apôtres, au chapitre 1, comme nous le voyons dans la première lecture de ce dimanche : « tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères ».On est juste après l’Ascension et il nous est dit que les Apôtres « après avoir vu Jésus s’en aller vers le ciel, retournèrent à Jérusalem » et que « à leur arrivée, ils montèrent dans la chambre haute où ils se tenaient habituellement ». On identifie généralement cette chambre haute avec le cénacle où avait eu lieu la dernière Cène, c’est possible et même assez probable, mais, dans ce cas il faut distinguer ce lieu relativement restreint où se réunissent les apôtres et où aura lieu la Pentecôte et l’endroit beaucoup plus vaste où, dans l’intervalle, cent-vingt frères se sont retrouvés autour de Pierre (Actes 1,15). La phrase concernant la Mère de Jésus et les frères du Seigneur (1,14) est entre les deux, si bien qu’on ne peut pas être vraiment sûr qu’elle se soit trouvée dans la « pièce haute », c.a.d. le Cénacle. Pour sûr, elle a prié avec les Apôtres, elle les a accompagnés de son soutien et de ses conseils, mais sa présence à au moment précis de la Pentecôte n’est pas assurée, c’est sans doute la raison pour laquelle un bon nombre d’icônes classiques ne la représentent pas dans ce moment-là.
Pentecôte ou pas, la sainte Vierge Marie est associée, dans le récit de saint Luc, au commencement de l’Église. Comme elle était là au départ de l’existence humaine de Jésus (Luc 1,26-37), elle est encore présente au moment où se forme le Corps mystique du Christ. Saint Jean l’avait montré d’une autre façon en nous rapportant la scène qui s’était déroulée au pied de la Croix le Vendredi Saint, quand Jésus avait confié à Marie le disciple bien-aimé. Cette scène elle-même était reliée par un lien discret avec l’épisode de Cana, où Marie est aussi appelée « femme » et où elle s’associe au miracle par lequel Jésus annonce et prépare son « Heure » qui est aussi « l’heure de la femme » (cf. Jean 16,21).
Ceci doit suffire à convaincre les plus hésitants que non seulement Marie est bien présente dans le Nouveau Testament, mais encore qu’elle n’est pas seulement l’occasion « matérielle » de la naissance de Jésus et qu’au-delà du mystère de l’Incarnation, elle n’est pas moins présente dans la Rédemption, – non pas certes comme la cause principale, mais comme l’auxiliaire discrète que Jésus a voulue.
Discrète, elle l’est évidemment. La suite des Actes des Apôtres ne mentionnera aucune intervention d’elle et sa disparition elle-même a laissé fort peu de traces- (sauf peut-être dans une tradition de l’Eglise judéo-chrétienne de Jérusalem qui est à l’origine de ce qu’on appelle le Transitus Mariæ, où sont racontées la Dormition et l’Assomption). Mais son rôle était depuis le début de s’effacer et de conduire les cœurs à Jésus : « faites tout ce qu’il vous dira !»