Les miracles au cœur de la vie chrétienne
A côté de ceux qui ne croient pas au miracle, parce qu’ils ont décidé une fois pour toutes que cela ne peut pas exister, il y a ceux qui répugnent à admettre qu’on puisse en demander et même en obtenir, car, selon eux, ce ne serait pas digne d’un croyant de mobiliser la puissance divine pour un intérêt particulier et de toute façon Dieu ne nous a pas promis le bonheur pour cette terre. Surtout que les miracles recensés semblent d’une singulière injustice : pourquoi se produisent-ils surtout dans certains lieux et dans certaines circonstances, alors que les mêmes besoins, les mêmes drames existent à des milliers d’exemplaires un peu partout dans le monde ? Quel est ce favoritisme divin qui concentre les interventions du ciel autour d’un Padre Pio ou d’autres figures charismatiques ?
Rappelons d’abord qu’il y a infiniment plus de miracles qui se produisent (à la prière des humbles et à l’invocation du nom de Jésus) que nous n’en connaissons. Le miracle n’est exceptionnel que dans un monde qui s’est vidé de la foi et qui ne veut plus les voir. Les miracles sont une réalité de tous les jours : petits ou grands, ils jalonnent notre vie de prière et chacun de nous aurait beaucoup à dire sur ce chapitre.
Surtout, le miracle est étroitement lié à la sainteté de notre vie. Ce n’est pas pour rien que l’Eglise, à côté de l’héroïcité des vertus, demande pour la canonisation d’un serviteur de Dieu un ou plusieurs miracles. Et ce n’est pas parce qu’un saint a plus de puissance d’intercession qu’un autre et qu’il saurait obtenir de Dieu ce que celui-ci refuse aux autres. C’est surtout qu’en lui l’humanité retrouve sa fluidité première, une communication plus forte entre les membres du Corps du Christ. Le péché a provoqué une sorte de gel. Chaque individu s’est trouvé coupé des autres, possédant son espace à lui, séparé des autres. Or, quand l’amour de Dieu passe dans nos veines, nous sortons peu à peu de nos limites. La communion devient possible. N’avoir qu’un cœur et qu’une âme, comme on le dit des premiers chrétiens, accélère cette communication mystérieuse entre nous : nous portons les joies et les peines de chacun. Notre prière peut être un baume sur leurs plaies, notre intercession peut influer sur leur existence morale et même sur leur santé. La puissance de la prière n’est pas toujours aussi sensible, mais elle l’est souvent, surtout quand on peut se mettre à plusieurs pour le solliciter, comme c’est le cas dans un groupe de prière.
Mais n’oublions pas la condition : le don de sa vie. Avant d’affirmer la puissance de l’intercession pour les autres, Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui énonce la règle qui commande son efficacité : « celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera ». Perdre sa vie à cause du Christ, se dépouiller pour lui et pour les autres, c’est le moyen d’entrer dans cette fluidité où il n’y a plus du tien et du mien, mais où tout nous est commun dans l’amour, parce que d’abord nous sommes habités par Dieu et vides de nous-mêmes.
Le miracle de la multiplication des pains s’est reproduit à plusieurs reprises au long de l’histoire de l’Eglise : à la suite du Christ, qui, comme chacun sait, en avait faites deux, des saints ont partagé de maigres ressources pour nourrir toute une communauté. Ce geste est particulièrement parlant, car il rend sensible la surabondance de l’amour qui ne s’épuise pas, mais se donne à chaque fois à neuf dans une relation personnelle.
N’ayons pas peur de demander des miracles.