Si le méchant se détourne de sa méchanceté…
Le prophète Ézéchiel croit que la conversion est possible et que celui qui a décidé dans son cœur de changer n’a pas à faire face à un long arriéré qu’il traînerait derrière lui, une dette non soldée qu’il faudrait finir par payer. C’est plutôt une bonne nouvelle !
Du côté de Dieu, en tout cas, il est clair que lui n’exige rien de plus que la conversion, le retour vers lui de sa créature égarée. Et, s’il y a quelque chose à réparer pour que justice soit faite, c’est plutôt un geste symbolique qui est demandé pour marquer le désir d’une âme contrite de contribuer à son relèvement (ainsi la « pénitence » que nous recevons en confession).
Si, du côté de Dieu, il en est ainsi, de notre côté, c’est beaucoup plus compliqué. En principe, rien ne nous empêche de remplacer une conduite mauvaise par une conduite bonne, nous pouvons parfaitement répondre à la main tendue par Dieu et nous éloigner du péché. Mais comment se fait-il que ce n’est pas toujours cela qui arrive ? Quelle crainte, quelle inhibition nous paralysent au moment de faire le pas ? Souvent la raison est futile : « on va se moquer de moi ! », « j’aurais l’air de quoi ? ». Parfois elle tient à la crainte des conséquences d’un acte qui pourtant nous libérerait : l’alcoolique ou le drogué redoutent l’effet de manque qui se manifestera sans doute s’il rompt brutalement avec son addiction. Plus profondément nous nous sentons déjà compromis avec le mal : n’ayant pas répondu tout de suite à l’appel de Dieu, nous étant éloignés un certain temps, nous avons le sentiment que le charme est rompu, que nous ne retrouverons plus l’état de grâce qui nous avait porté jusque là. Parfois nous ne nous sentons pas assez pécheurs pour prendre les grands moyens, nous nous contentons de vivoter dans un certain malaise. Et cela pourrait durer longtemps sans que rien n’avance. Ce n’est pas Dieu qui nous tient à distance, c’est nous qui nous mettons à distance, nous attendons on ne sait quoi qui nous permettrait de dire : « Oui j’ai péché, je demande pardon, je ne veux plus cela ». Et c’est ainsi qu’on glisse peu à peu dans l’indifférence et l’oubli du Dieu vivant.
C’est à cette incapacité qu’on voit que le péché n’est pas seulement un malentendu ou une brouille passagère, mais qu’il a un poids qui nous entraîne vers la mort. C’est pour le vaincre que le Seigneur est venu chez nous et s’est mis dans la situation des pécheurs. Et là il a assumé à leur place la honte du péché, l’angoisse devant la mort, le silence du Père, le dégoût et la tristesse, tout ce qui nous empêche de nous retourner (convertir) vers Dieu en fils contrits et aimants. Jésus est le seul, le vrai pénitent. Sa « conversion » à lui peut devenir la nôtre, si nous adhérons à son mouvement, si nous le laissons emporter vers la miséricorde du Père. Quand nous nous confessons, il n’est pas de l’autre côté de la grille, en position de juge, comme peut l’être le Père, il est à nos côtés.
L’Eglise enseigne que dans le sacrement de pénitence, ce qui est déterminant, c’est la contrition, l‘intime broiement du cœur devant la bonté de Dieu, entraînant le désir très ferme de se corriger de ses fautes, au point que, s’il pouvait y avoir une contrition parfaite, on n’aurait même plus besoin du sacrement. Mais justement cette contrition n’existe pas en dehors de Jésus, car seul l’amour parfait pourrait regretter le péché comme blessant l’Amour, mais, puisque le pécheur s’est placé en dehors de l’amour, il reste autocentré, et même quand il regrette, c’est encore par rapport à lui à son amour propre blessé.
Alors demandons au Christ de nous conduire sur les chemins de la vraie pénitence, avec un passage obligé par le confessionnal !