Il y aura des pleurs et des grincements de dents
Il y a trois parties distinctes dans la parabole des invités qui se dérobent, chacune d’elle est importante, mais la pointe porte certainement sur la dernière.
Il y a d’abord la déconvenue du roi qui essuie un refus à peine poli de la part de ses invités, il y a ensuite l’invitation large qu’il lance à tous ceux qu’on pourra trouver, « les mauvais comme les bons », et il y a enfin le jugement terrible qu’il porte sur celui qui s’est présenté sans l’habit des noces. Autant on admire la générosité sans limite de ce roi qui va presque jusqu’à mendier l’acceptation du tout venant, autant on est choqué de l’incroyable sévérité dont il fait preuve à l’égard d’un invité qui a manqué aux convenances.
Il ne faut pas opposer la largeur de l’accueil et l’exigence dont Dieu fait preuve à l’égard de ceux qui ont commencé à profiter de ses dons. Tout le drame de l’enfer est là. C’est justement parce que Dieu a ouvert tout grand ses bras et qu’il n’a pas fait de sélection préalable, qu’il se montre exigeant à l’égard de tous ceux qu’il a embarqués dans l’aventure du salut. Eux ont vu quelque chose de l’amour et de la lumière, s’ils se sont habitués à profiter de la bienveillance divine comme d’un dû, qui doit durer toujours, malheureux sont-ils !
L’enfer ne dément la bonté de Dieu, elle en découle au contraire. Dieu ne nous aura pas tous à l’usure. Il nous respecte trop pour exercer sur nous une attraction irrésistible, comme la flamme sur le papillon. Bien sûr, il est le Bien suprême, l’Amour absolu, mais si absurde que cela paraisse, l’homme peut s’en détourner pour se jeter, par défi, par dégoût, par désir d’en finir, dans l’abime de la seconde mort. Ce ne sera plus là erreur de jeunesse, distraction, perte de contrôle. Nous ne pouvons pas même concevoir l’horreur de cet endurcissement patiemment voulu, poursuivi.
Certains diront : « Ça ne peut pas exister. Satan peut-être, mais pas un être humain ! ». Mais si, malheureusement. Il semble bien que c’est ce que l’évangile nous montre avec Judas dont Jésus dit qu’il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né. La persévérance dans l’amour est aussi imprévue que la damnation éternelle, elle non plus n’est pas « logique », elle est l’orientation gracieuse, inespérée, d’une liberté. C’est pourquoi elle peut donner à Dieu de la joie, cette joie de pécheur repenti qui émerveille les anges. Dieu ne trouve pas cela normal, comme est normal le cours de la nature…
Il faut donc veiller à prendre la tenue de noces quand on est invité à la table du Grand Roi. C’est le signe qu’on se sait accueilli, qu’on a compris que ce n’était pas notre place, mais que le Roi, par un débordement de sa générosité, nous a fait partager sa joie des noces de son Fils. Alors nous voulons coïncider autant que c’est possible à son projet, ne pas le décevoir !