Veillez !
« Veillez, car vous ne savez ni le jour ni l’heure ! », telle est la finale de la parabole des vierges sages et des vierges folles que nous entendons ce dimanche. Avertissement salutaire, qui fait écho à la consigne de Jésus à ses apôtres le soir du Jeudi saint, peu avant son arrestation : « veillez et priez pour ne pas entrer en tentation ! » (Matthieu 26,31). On sait le peu de succès qu’il a eu avec ses amis, ce soir-là.
La consigne de veiller correspond au sentiment d’urgence qui l’habite. Il faut être prêt, car il y a une issue difficile qui se prépare. L’ennemi rôde « cherchant qui dévorer » (1 Pierre 5,8) et il peut profiter de notre sommeil pour nous engourdir et nous retirer toute réactivité à son surgissement. « Sachez-le bien, si le maître de maison savait à quelle heure de la nuit le voleur doit venir, il veillerait et ne laisserait pas percer sa maison ». (Matthieu 24,43). Mais l’heure des ténèbres est aussi celle qui précède la venue du Seigneur et c’est pourquoi l’avertissement vise finalement « le Fils de l’homme » : « Tenez-vous donc prêts, vous aussi, car c’est à l’heure que vous ne pensez pas que le Fils de l’homme viendra » (24,44). C’est Jésus qui vient comme un voleur pour demander des comptes à ceux qu’il a chargés de mission !
Forts de ce conseil, les chrétiens depuis les origines ont pris l’habitude de prier de nuit. On nous dit que dans l’Eglise primitive des nuits entières passaient en prière. Et comme le calendrier païen ne donnait pas de congé pour le dimanche, la célébration dominicale devait avoir lieu avant l’aube pour que chacun puisse aller ensuite à son travail ! Notre vigile pascale est l’héritière de cette manière de faire, sauf que nous, nous allons dormir après avoir chanté le réveil du Ressuscité, ce qui n’est pas très logique…
Les monastères gardent fidèlement l’usage d’une longue prière de nuit (saint Benoit exige au moins douze psaumes et autant de lectures et de répons), mais il y a aussi une pratique qui s’est imposée, surtout dans ces deux deniers siècles, celle qui consiste à veiller devant le Saint Sacrement exposé toute la nuit, avec un relais d’heure en heure pour donner au Seigneur une prière constante à l’heure où tout le monde dort (ou travaille, ou souffre, ou s’amuse…).
Ceux qui ont pratiqué cet exercice savent l’étonnante impression de liberté que l’on ressent après un long moment de veille auprès du Seigneur. Non que ce soit facile de se tenir éveillé quand l’attrait du sommeil est là et se fait sentir, mais il y a généralement un moment de grâce où l’on se trouve au-delà de la vie habituelle, dans la gratuité d’un don fait à l’Amour. Alors on le prolonge de quelques instants encore, sûr qu’on a trouvé quelque chose de très doux, de très pur, qui donne sens à tout ce qu’on aura à vivre demain et dans la suite.
La veille nous fait rejoindre le Dieu qui veille. « Non, il ne sommeille ni ne dort, celui qui garde Israël. Le Seigneur est ton gardien; le Seigneur est ton abri, toujours à ta droite » (Psaume 121,4-5). Et plus précisément, Jésus qui veille dans la nuit au bord du Lac, et, plus durement encore, à Gethsémani. C’est là qu’il nous dit : « Restez ici et veillez avec moi » (Matthieu 26,38).
Essayez !