Un seul cœur et une seule âme
« La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ». C’est ainsi que l’auteur des Actes des Apôtres présente la toute jeune communauté chrétienne. Il va ensuite nous décrire, comme chose toute naturelle, le partage qui s’instaure entre eux, si bien qu’ « aucun d’entre eux n’était dans l’indigence »
Réfléchissons un instant à cette conséquence de la Résurrection du Christ qui est la charité poussée si loin que « personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre ». C’est un communisme bien original que celui-là ! Il n’a rien d’une mise en commun obtenue par voie autoritaire, c’est un désir spontané d’aider les autres avec ce que l’on a : « tout ce qui est à moi est à toi » comme dit le père du fils prodigue à son aîné. C’est l’ambition d’un couple, d’une famille. Mais elle ne peut durer que si, réellement, il n’y a qu’un seul cœur et une seule âme, c.a.d. une volonté sans cesse persistante de se mettre au service les uns des autres.
C’est cette charité-là que nous sommes censés recevoir de Jésus au moment de la communion. La prière eucharistique III nous le dit : « quand nous serons rassasiés de son Corps et de son Sang, accorde-nous d’être un seul cœur et un seul esprit dans le Christ » Y avons-nous réfléchi ? Quand le Christ aime l’Eglise, son Épouse, « comme son propre corps » (cf. Éphésiens 5, 28), c’est nous qu’il aime, mais nous en corps. Il ne peut le faire que parce que nous formons un seul corps avec nos frères, au lieu d’être des individus qui mènent chacun leur barque. Sinon il serait polygame…
L’Eglise dont il s’agit ici, ce n’est évidemment pas la structure, l’institution, c’est le visage de l’humanité que le Fils de Dieu a cherché dès le premier jour : une épouse parfaitement accordée à lui, vivant de sa vie, partageant son projet, prête à souffrir à ses côtés et qu’il mène au Père. Elle est composée d’une foule innombrable de personnes, mais chacune, à sa façon, est son Eglise, il retrouve en elle les traits de l’Épouse qu’il s’est donnée sur la Croix. Marie en est sans doute la plus belle réalisation, mais chacune de ses créatures rachetées est reçue pour elle-même, car elle ajoute quelque chose à la beauté de l’ensemble.
Cette vision « corporative » de l’Eglise doit être soigneusement distinguée d’un collectivisme, ou d’un unanimisme, qui ne pourraient que nuire à l’harmonie de l’ensemble. Il ne s’agit pas d’avancer en rangs par deux ou de calquer son comportement sur celui des autres… Chaque membre, comme l’explique saint Paul (1 Co 12,12-25), a sa place, mais celle-ci est différente des autres. Ne nous laissons pas prendre par des modes et ne croyons pas qu’on est obligé dans l’Eglise de penser exactement comme tout le monde sur n’importe quel sujet qui n’est pas la foi. Soyons libres, mais que cette liberté concoure à la charité : c’est ainsi qu’il faudra pouvoir accompagner des frères plus faibles dans la foi sans jouer avec eux l’esprit fort qui se moque de certaines précautions jugées par eux essentielles, être accueillant sans transiger sur la vérité, reprendre fraternellement ceux qui s’égarent sans les blesser, tout cela est un art qui s’apprend et qui fortifie la vie ensemble.
Le Christ a voulu son Épouse « sans tâche ni ride », cela ne se fait pas sans peine et sans combat. Mais faisons confiance à celui qui mène le jeu. Il sait où il va et nous serons surpris du magnifique résultat qu’il a obtenu !