Les frères et les sœurs du seigneur
Lors du déplacement de Jésus vers le village qui l’a vu grandir (Nazareth), ces concitoyens s’interrogent : « N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? ». L’interprétation la plus simple consisterait à voir là la présentation de la famille de Jésus : sa maman et ses frères et sœurs selon la chair, c.a.d. les enfants qu’aurait eus Marie après l’avoir mis au monde. On trouve de plus en plus de gens, non seulement chez les protestants, mais maintenant chez les catholiques pour soutenir cette thèse. Il faut se rendre qu’elle n’est pas anodine et que, chez ceux qui s’y rallient, elle va de pair avec une volonté de désacraliser celle qu’on appelait jusque là la Vierge Marie. Pour eux, celle-ci a été une femme comme les autres et, passé l’épisode de la nativité dont on veut bien admettre le caractère miraculeux, elle a vécu dans le mariage avec Joseph, mettant au monde d’autres enfants qui ont constitué le groupe familial dont on nous parle ici, le père n’est pas mentionné, car sans doute à cette date il est-il déjà décédé. Après tout, elle aurait pu être sainte avec cela, car la sexualité n’est pas une tare, si elle est exercée dans un légitime mariage.
Mais cette manière de voir les choses (que l’Eglise a refusée dès le début) entraîne une vision extrêmement réductrice de la maternité de Marie. Quoi ! Elle a porté dans son sein le Fils du Dieu éternel, elle a été le réceptacle du Don le plus incroyable qui soit, elle a vécu de Jésus et pour Jésus tous les jours de sa vie, – et elle continuerait après lui d’engendrer des enfants des hommes ! Pas étonnant que ce soient souvent les mêmes qui soutiennent cette thèse et qui plaident en même temps contre le célibat des prêtres, en voulant réduire le ministère sacerdotal à un service comme un autre. L’absence de commerce conjugal dans le cas de Marie et dans celui des prêtres de Jésus Christ ne signifie pas qu’on voit l’exercice de la sexualité comme une souillure, mais parce qu’elle doit céder la place, dans les personnes consacrées à Dieu pour les laisser tout entiers au service du Seigneur. Deux absolus ne peuvent pas coexister. Saint Paul nous dit que des personnes mariées ne doivent pas se refuser l’une à l’autre « si ce n’est d’un commun accord, pour un temps, afin de vaquer à la prière » (1 Corinthiens 7,5). Ce qui est temporaire pour certains s’étend pour d’autres (dont Paul fait partie) à toute leur vie.
Quant aux « frères et aux sœurs » du Seigneur, le terme de frères a en Orient un champ d’application assez vaste et on peut choisir entre toutes les variétés de cousinages. D’autres passages de l’évangile nous éclairent peut-être sur l’identité de leur mère, qui n’est pas Marie mère de Jésus, mais une autre Marie, qualifiée de « mère de Jacques le petit et de Joset et Salomé » (Marc 15,40), « mère de Jacques et de Joseph » (Matthieu 27,56), « mère de Jacques » (Luc 24,10). Enfin, si Marie avait d’autres enfants est-il vraisemblable que Jésus ait eu à confier sa mère, au moment de mourir, à un autre, Jean, qui n’était pas de la famille ? Mais tous ces arguments sont peu de chose à côté de l’évidence de la virginité perpétuelle de Marie « Mère de Dieu » et totalement consacrée à Lui.