Une morale pour temps de crise
Le succès de la prédication de Jean le Baptiste attire vers lui des gens très divers. Ce ne sont pas seulement des âmes d’élite qui attendaient le Messie, mais ce sont aussi bien des prostituées et des publicains, comme ceux qui entoureront bientôt Jésus et lui feront une si mauvaise réputation. Mais si c’est le tout-venant qui se presse autour du prédicateur hirsute qui les interpelle au nom de Dieu, il faut qu’il leur propose un chemin pour se rapprocher de la volonté du Dieu. Le baptême qu’il leur propose les purifiera, certes, mais à condition de rejeter ce qui les séparait de la sainteté de Dieu. Jean n’entre pas dans les subtilités de la Loi telle que l’exposaient les maîtres rabbiniques. Tous ces gens qui aspirent à être sauvés et à commencer une vie nouvelle attendent une réponse simple. Pas nécessairement quelque chose de facile, pas simplement une bonne intention qu’on pourra vite oublier, mais un renoncement significatif qui marquera le coup.
Pour chacun, il a un mot juste : Il vint aussi des publicains pour se faire baptiser et ils lui dirent : “Maître, que devons-nous faire ? “Il leur dit : “N’exigez rien au-delà de ce qui vous est prescrit”. Des soldats aussi lui demandèrent : “Et nous, que devons-nous faire ? ” Il leur dit : “Ne molestez ni ne dénoncez faussement personne, et contentez-vous de votre solde”.
Jean-Baptiste n’est pas un réformateur social, il ne prêche pas l’avènement de la société sans classes. Il va au plus pressé, il y a des âmes qui ont soif et il ne faut pas laisser passer ce moment de grâce, où, peut-être, la lumière va entrer dans leur vie. Dans les récits des missionnaires de jadis qui œuvraient en terre païenne (ou aussi ceux qui participaient à des missions de l’intérieur en France ou ailleurs), on voit ce qu’a pu être ce moment où toute une population se livrait au Christ et où il fallait trouver des moyens pour faire vivre la vie familiale chrétienne à des polygames, le respect de la propriété privées à des pillards endurcis, etc…
Toute proportion gardée, nous en sommes là. Et cette urgence qui est celle d’un « hôpital de campagne » peut éclairer certaines des positions de notre Saint Père le pape François (la comparaison est d’ailleurs de lui). Il ne s’agit pas de relativiser l’exigence du Seigneur et d’adapter la règle morale aux habitudes peccamineuses des uns et des autres. Mais il s’agit d’œuvrer à une conversion, une vraie conversion, qui soulèvera tout l’être humain et le mettra en état de dire au Seigneur : « que nous faut-il faire ? », comme le demandaient les interlocuteurs de Jean-Baptiste.