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« Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel ! »
La vie confirme – hélas ! – cette maxime pessimiste. Et bien des expériences malheureuses nous ont appris la prudence avec des gens que l’on croyait sûrs et qui un jour nous ont tiré dans le dos. Mais ce serait quand même triste que l’on ne puisse jamais faire confiance à personne, que le mari se méfie toujours de sa femme et la femme de son mari, l’enfant de ses parents etc… Ce que le texte sacré nous dit, c’est qu’il serait insensé de « mettre sa foi », c.a.d. d’attendre tout d’une personne donnée, croire que notre bonheur dépend exclusivement d’elle ou de lui. Ce serait demander à un être humain fragile et limité plus qu’il ne peut nous donner. Il a des qualités, peut-être très belles, un dévouement sincère, mais il ne peut pas tout. Il n’est pas fabriqué pour nous. Il a vécu avant nous, il vivra peut-être après nous. Il y a des attachements exclusifs qui ne font pas du bien, parce que un jour ou l’autre on verra des failles et la déception nous rendra injustes.
La meilleure manière d’avoir une relation juste avec ceux que le Seigneur met sur notre chemin pour les aimer et les servir, ce n’est pas de les mettre sur un piédestal, c’est de penser qu’ils sont, comme nous, des créatures du Bon Dieu, avec les dons qu’il leur a faits, mais aussi avec leurs faiblesses qui sont bien là et qui les éprouvent autant que nous, mais qui ne sont pas le tout de leur être. Notre confiance ne fera donc pas l’économie d’un certain réalisme. Si l’on sait quelqu’un sujet à des accès de colère, on prendra plus de précaution avant d’aborder certains sujets, ce qui ne veut pas dire se taire systématiquement. Mais on ne doit jamais cesser de manifester l’estime que l’on a pour l’enfant de Dieu qui essaie de se battre avec plus ou moins de succès contre ses défauts.
Si l’on met exclusivement sa foi en Dieu, c’est dire aussi qu’il y a toujours un recours possible quand les relations avec les autres sont difficiles et franchement pénibles. Au lieu de passer sans cesse du tout au rien, de l’amour à la haine, de la confiance aveugle à la défiance systématique, on saura que nous sommes tous limités et en chemin pour aller vers Dieu, qui seul est la perfection. Ce chemin de progression, on l’aborde d’autant plus facilement qu’on se sait environné de confiance. Devant le mépris des autres ou le reproche amer, on n’a pas envie de bouger, on est porté à dire : « si ça ne te plaît pas, c’est pareil ! ». Mais quand on devine l’estime maintenue, la tristesse compatissante, on ferait n’importe quoi pour apporter aux autres la preuve qu’on veut faire mieux et qu’on va prendre les moyens pour y arriver.
Ceux qui reprochent au « Dieu jaloux » de la Bible de nous arracher aux tendresses de la terre feraient bien d’aller voir de plus près ce que réussit la sainteté chrétienne quand elle saisit un destin humain, au cloître ou à la maison !