Connaître Dieu, voir Dieu
Tout l’entretien de Jésus avec ses apôtres tourne autour de cela : « montre-nous le Père ! ». Les disciples sont des hommes religieux, en fréquentant Jésus ils ont été émerveillés de ce qu’il leur disait du Père, ils ont envie d’en savoir d’avantage et finalement de voir Dieu. C’est le désir de tout homme au fond de lui et depuis l’origine le cœur humain est en quête de ce bien suprême : Dieu. C’est cela qui l’a mis en mouvement, qui lui a fait dépasser son horizon natal, qui lui a inspiré les aventures de l’esprit, l’amour de la beauté, il est un pèlerin de l’absolu.
Bien sûr, il s’est mêlé à ce désir de voir Dieu bien des scories : comme il est pécheur, il a souvent confondu Dieu avec l’idéal de ses désirs terrestres, il l’a cherché trop à portée de main et s’est souvent fabriqué un dieu à son image. C’est pourquoi la Bible nous dit que l’homme ne peut voir Dieu sans mourir. Non que celui-ci veuille éloigner l’homme de sa quête fondamentale, mais parce qu’il résiste, dans notre intérêt, à cette captation idolâtrique. Le regard voyeur et intéressé ne peut nous élever, il nous dégrade au contraire : en adorant un dieu pris dans les réalités du monde, nous qui étions faits pour dominer ce monde, nous nous ravalons au niveau de ce qu’il y a de plus bas.
Mais les psaumes de la Bible attestent que le désir de voir Dieu est toujours bien là et que Dieu ne le rejette pas : « mon cœur m’a redit ta parole : cherchez ma face » (Psaume 26,8). Mais par quelles purifications, il a dû passer ! Renoncer pour un temps aux images, passer des repères naturels à ceux de l’histoire du salut, préférer l’écoute à la vision directe…
Et voilà que Jésus arrive. En lui Dieu s’est peint de la manière la plus juste et la plus définitive qui soit. Il est Dieu parmi nous. Son humanité est complète, il s’est vraiment fait homme, mais tout dans cet homme nous parle de Dieu, tout nous dit ses sentiments, son langage, ses manières d’agir. Il est le Dieu Fils, tout référé à son Père, comme il l’est dans la Trinité. Pas besoin de chercher Dieu ailleurs : « qui me voit voit le Père ».
Cet inestimable bienfait a été partagé par des foules de croyants énamourés du Christ, les saints sont la manifestation la plus éclatante de cette réussite sans précédent.
Pourtant, il semblerait que, bien avant les temps où nous vivons, certains aient oublié que c’est Dieu qu’on cherchait dans le Christ et qu’ils se sont si bien habitués à ce que la divinité se montre à travers l’homme Jésus, qu’ils ne la distinguent plus clairement de l’humanité qu’il a prise. Et, en conséquence, Dieu devient cet être souffrant, humble et sans gloire qui a vécu chez nous. Le Père tout puissant disparaît. On n’a même pas peur de parler de la faiblesse de Dieu, alors que le Christ n’a voulu être faible que pour faire éclater autrement la force de Dieu dans son expérience humaine. Ce Dieu souffreteux est peut-être émouvant, mais il ne répond pas à la quête des hommes qui cherchent Dieu. L’athéisme contemporain est peut-être le fruit de cette dégradation de l’image divine à travers une conception fautive de l’Incarnation.
Non, revenons à Jésus tout auréolé de la gloire de Dieu : « qui me voit voit le Père ».