Face à Dieu
Jésus parle souvent de la façon dont nous agissons en fonction du regard des autres. Et il nous montre que cela est vain : juste une satisfaction d’amour propre, mais qui nous prive de la seule chose qui aurait de la valeur et qui serait de plaire à Dieu. Son verdict est terrible parfois : « quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense » (Matthieu 6,2). Ils ont reçu leur récompense ! Et c’est du vent !
C’est l’inverse qui se passe avec la pauvre veuve dont est question dans l’évangile d’aujourd’hui. Elle ne fait rien qui attire l’attention, son offrande est misérable et pourtant elle donne beaucoup plus que les autres, vue son indigence. Mais il n’y a que Jésus qui puisse le savoir, car il connait le secret des cœurs : « elle a pris sur son indigence, elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre ».
D’autres passages nous parlent de ce regard de Dieu, qui est la seule récompense qui devrait compter, le seul regard qu’il faut chercher, jusque dans le secret de la prière : « quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le revaudra » (Matthieu 6,6). Ô vrai et pur bonheur !
Mais là se lève une objection : est-ce qu’il faut chercher une récompense ? Agir pour Dieu, attendre de lui une faveur même spirituelle, n’est-ce pas manquer le total désintéressement qui donnerait toute sa valeur au geste de dévouement que nous posons. Agir pour Dieu ou pour la beauté du geste ? Telle est la question. Il y a des athées vertueux après tout et certains sont prêts à penser que c’est encore mieux comme cela….
Là se cache une tentation d’un autre genre : l’idolâtrie de nous-mêmes, l’orgueil d’un comportement prétendument pur. Car c’est encore trouver notre satisfaction, si nous en restons à l’éloge que nous nous décernons à nous-mêmes. Pour en sortir, il faut le vis-à-vis divin. Il faut accepter que Dieu soit le seul destinataire du sacrifice que nous avons consenti et que la « récompense », pour réelle qu’elle soit, reste bien cachée jusqu’au jour du jugement. Nous ne pouvons donc pas nous en parer comme d’une décoration, sous peine de tout perdre.
Et puis Dieu est seul à savoir les circonstances et les mobiles qui se disputent notre volonté: tout dans ce désintéressement est-il si pur que cela paraît ?
L’amour ne cherche pas de récompense, parce qu’il est lui-même la récompense. Quand Dieu nous demande de l’aimer, il ne nous demande rien d’autre que de répondre à cet amour. Mais cet amour déchaine déjà chez nous un torrent de vraie joie. Alors heureux sommes-nous !