Pâques : l’exaltation du Christ
Nous ne sommes peut-être pas aussi familiers avec le thème de l’exaltation qu’avec celui de la résurrection (même si celle-ci reste mystérieuse à plus d’un titre). Pourtant tous les deux coexistent dans le Nouveau Testament. Dans l’hymne célèbre de l’Epitre aux Philippiens que l’on entend particulièrement autour de la Semaine sainte (« Jésus-Christ de condition divine… »), c’est l’exaltation qui correspond à l’abaissement du Fils : « aussi Dieu l’a-t-il exalté » (2,9). Exalté, c.a.d. fait monter dans les hauteurs, mais aussi mis en valeur, mis en avant, justifié.
Jésus lui-même, en saint Jean (12,32), déclare : « et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ». Le mot pour ˝élevé˝ est de même racine qu’exalté. Le sens de la phrase est discuté. On a plutôt l’impression que le Seigneur pense à son Ascension (laquelle n’est pas décrite dans le IVe évangile !) qui coïncide avec son investiture royale dans le ciel et pourtant on ne peut pas exclure que ce soit aussi une prophétie de ce qui va se passer sur la Croix, où il est déjà dressé au-dessus de terre et où déjà son influence se manifeste par la foi du Bon Larron et celle du Centurion. Saint Jean a l’air de « jouer » avec les différents épisodes que nous distinguons soigneusement : chez lui la première effusion de l’Esprit a lieu le jour de Pâques (20,22), ou même sur la Croix (19,30), il en annonce plusieurs dans les discours après la Cène son ˝départ˝ qui peut être celui de sa mort, mais également celui qui sera consécutif à son ascension (13,36 ; 14,4 etc…). Cela ne veut pas dire que ces différents évènements n’ont pas eu lieu à des moments distincts. Mais saint Jean nous livre une compréhension plus globale et nous montre toute la logique du mystère pascal où tout se tient : le don du Fils, la réponse du Père, la communication de l’Esprit.
L’exaltation, c’est la réponse du Père à l’obéissance de son Fils : il s’était abaissé, le Père l’élève, il le fait monter auprès de lui dans la gloire : « le Père m’aime parce que je donne ma vie » (Jean 10,17). Et cela commence bien sûr dès le jour de Pâques et aboutira de façon spectaculaire à l’Ascension. Le trajet de la montée permet de mesurer tout ce qui avait été descendu. Comme dit saint Paul : « ˝Il est monté˝, qu’est-ce à dire, sinon qu’il est aussi descendu dans les régions inférieures de la terre? » (Ephésiens 4,9). Il est descendu vraiment, dans son Incarnation d’abord. Pour en parler dans les termes de Philippiens 2,6, il ˝s’est vidé˝. Et puis il est descendu jusqu’à la souffrance et à la mort de la croix. Il est même descendu jusqu’aux enfers pour partager le sort des humains morts avant lui, il a connu l’état d’˝être mort˝ et pas seulement la mort. Et de cette profondeur abyssale, inimaginable pour nous, il est monté. Ou plutôt : le Père l’a fait remonter, il l’a exalté, en le rendant à la vie, puis par degré en le faisant accéder à sa droite dans le ciel. De là il ˝remplit tout˝, comme dit encore saint Paul (Ephésiens 8,10), celui qui s’était ˝vidé˝ vient saisir toute réalité créée : au ciel, sur terre et aux enfers.
Ce parcours, nous avons nous aussi à le faire en quelque façon : « celui qui s’exalte sera abaissé et celui qui s’abaisse sera exalté » (Matthieu 23,12).