Jésus lépreux
Cette terrible maladie qu’est la lèpre se transmet, à ce qu’on sait, très facilement, par contact. Puisqu’elle ronge la peau, elle se porte très facilement sur une peau saine. C’est pourquoi dans les temps anciens et jusqu’au Moyen-Age les lépreux étaient parqués dans des lieux spéciaux, avec interdiction de fréquenter les bien portants, qui de leur côté étaient tenus de ne pas s’approcher (nous n’avons rien inventé en matière de confinement).
Or Jésus transgresse cet interdit, comme le feront plus tard saint François d’Assise et bien d’autres, il touche le malade, ce qui est d’abord, bien sûr un signe d’affection, un réconfort non négligeable pour un homme habitué à être l’objet du dégoût général. Mais surtout, le Seigneur se révèle porteur d’une contagion en sens contraire, la contagion de la vie plus forte que la mort, qui transforme cette loque humaine en un être sain et libre. La propagation du mal s’arrête devant cette surabondance de force qui s’offre à lui.
Mais ce serait trop simple si le Christ remportait ainsi toujours la victoire et faisait reculer devant lui toute la puissance du Mal. Celui-ci est beaucoup trop chevillé au cœur de l’homme pour être toujours éliminé par la venue triomphante au Sauveur. Jésus, dans un premier temps, accepte de contracter nos maux et nos faiblesses pour les vaincre de l’intérieur. Certes il n’attrape pas ici la lèpre, mais on remarque qu’il en prend un peu les conséquences. Comme le malade qu’il vient de guérir il connait pour un temps l’éloignement de la société des hommes. Le lépreux devait passer à l’écart, lui Jésus « était obligé d’éviter les lieux habités », car sa réputation de faiseur de miracles lui causait plus d’ennuis que d’honneur.
Et ceci se manifestera d’avantage encore au moment de la Croix. Avant de vaincre le mal, il en a d’abord été la victime, et ce à un point extrême. L’image du lépreux plane sur toute la prophétie d‘Isaïe 52-53 que nous entendons in extenso au cours de la célébration du Vendredi Saint : « il n’avait plus figure humaine, et son apparence n’était plus celle d’un homme », « objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu’un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n’en faisions aucun cas », « le Seigneur a voulu l’écraser par la maladie » etc… Cet être méprisé qu’on chasse à coup de pierres, c’est le Christ qui a assumé toutes les conséquences de notre mal.
Notre salut n’a pas été obtenu par un coup de baguette magique, il a été acheté très cher. C’est en se mettant dans la condition de l’homme frappé par la plus atroce souffrance qu’il a dénoué le lien qui attachait ensemble la souffrance et le péché, l’épreuve de l’abandon et la révolte, la mort et le désespoir. Désormais Satan peut torturer sa victime, elle lui a échappé. Et nous avec, si nous ne lâchons pas la main de Jésus.