La samaritaine
Chance ! Nous avons cette année le grand récit du chapitre 4 de Saint Jean, où il nous rapporte la rencontre si extraordinaire entre la « femme de Samarie » et Jésus. Récit précisément situé « près du puits de Jacob », un endroit que l’on nous montre près de la ville moderne de Naplouse.
Récit plein d’humour dans lequel Jean nous fait sentir l’ironie mordante de cette femme qui n’a pas froid aux yeux : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine? », et un peu plus loin : « Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? ».
Récit plein d’aperçus sur la vie intérieure du Christ : Jésus fatigué par la route, Jésus qui se laisse déranger au milieu de ses pensées et qui consacre à cette femme toute son attention, Jésus tout remué par le retournement de celle-ci et qui ne veut plus prendre d’autre nourriture…
Mais surtout récit qui nous montre une formidable pédagogie spirituelle que Jésus pratique devant nous : d’abord se rendre vulnérable, en demandant quelque chose : « Donne-moi à boire ! », Jésus sait bien que, blessée comme elle est, elle va en profiter et elle en profite. Il ne répond pas à la provocation, mais il pose une énigme : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive ». Elle réagit encore et ironise. Jésus ne répond toujours pas et ne relève pas le côté blessant de la question. Il continue imperturbablement à annoncer des choses incroyables, révélant tout le secret de l’inhabitation de l’Esprit dans le cœur du croyant. Elle ne s’avoue pas battue, mais elle est déjà moins sûre d’elle : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif et que je n’aie plus à venir ici pour puiser ».
Et là le Maître vient délicatement mettre le doigt sur la blessure de sa vie : « Va, appelle ton mari, et reviens ». Elle répond par un demi-mensonge : « je n’ai pas de mari », preuve qu’elle est déjà impressionnée par celui qui lui parle. Alors vient la réponse terrible et dite pourtant si doucement : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. ». On découvre la tristesse de cette vie, où elle a cherché désespérément le bonheur auprès d’un homme, mais jamais le même, tant elle a été déçue. Là elle rend les armes : « Seigneur, je vois que tu es un prophète ! ». Elle sait qu’elle est connue et pas condamnée. Alors elle pose la première question qui lui passe par la tête, la question du lieu où il faut adorer (le mont Garizim ou Jérusalem ?), un vieux sujet de débat entre juifs et samaritains. Ce n’est pas son problème à elle, mais, dans l’élan de son cœur qui commence à s’ouvrir, c’est une façon de faire confiance (pour la première fois) en celui qui lui parle ainsi, de l’écouter, de se laisser porter par ses mots si doux et si forts. Elle l’écouterait des heures. Elle en est bien récompensée, c’est à elle (et à elle seule dans tout l’Evangile) qu’il dira qu’il est le Messie ! Ensuite elle ira jusqu’à se faire son porte-parole auprès de ses voisins et relations qui la connaissent bien et sans doute la méprisent : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ! ».
Ce parcours est celui de toutes nos conversions : découverte de quelque chose (ou plutôt de quelqu’un) qui nous dépasse et nous attire en même temps, dévoilement du péché, premier acte de foi encore balbutiant, témoignage rendu à la Vérité qu’on vient de découvrir !