Saint Jacques est-il pélagien ?
Le pélagianisme est une hérésie répandue en Occident du temps de saint Augustin et qu’il a fermement combattue : elle affirmait que le salut de l’homme dépendait principalement de ses efforts. Dieu nous ayant donné ses commandements, il attendait de nous maintenant un résultat. Le protestantisme est parti de la dénonciation par Luther d’une Eglise qu’il jugeait revenue au pélagianisme, parce qu’il voyait y régner une sorte de marché : le salut dépendrait de nos œuvres (morales et surtout rituelles). Moyennant quelques démarches suggérées par l’Eglise, Dieu effacerait tous les péchés. Ce serait oublier la gratuité du salut : sans le secours du Christ, même après le baptême, nous restons par nous-mêmes incapables de nous sauver et nos bonnes œuvres n’y changeront rien. Dieu ne s‘achète pas !
Que dirait Luther aujourd’hui ? Ce n’est pas tant les cérémonies de l’Eglise qui seraient censées mériter le salut (à présent ce n’est plus très à la mode), mais la conduite morale des « hommes de bonne volonté ». C’est devenu une évidence pour beaucoup de catholiques que la seule chose que Dieu réclame de nous, c’est d’être ouverts, tolérants, solidaires du malheur des autres etc… Nos cérémonies d’enterrement sont devenues l’occasion d’homélies réconfortantes où on nous explique que, sans jamais franchir le seuil des églises, le défunt avait mérité le ciel par ses qualités humaines. Ce genre de canonisation anticipée ne fait pas très sérieux et elle révèle une terrible méconnaissance du drame du péché. Inutile de dire que, dans cette perspective, l’évangélisation n’a guère de sens.
Pourtant le passage de la lettre de saint Jacques que nous lisons ce dimanche pourrait apporter de l’eau au moulin de ceux qui plaident pour les œuvres : « la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte », « montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi ». Jacques serait donc pélagien ? Point du tout ! Ayons bien en vue qu’il s’adresse à des chrétiens convaincus et qu’il n’est pas le dernier à les pousser à la ferveur. Ce qu’il combat, présentement, c’est la négligence de ceux d’entre eux qui, s’appuyant sur un semblant de foi, se laissent aller à une conduite qui n’est pas digne des chrétiens. Loin de conclure que les bonnes actions tiendraient lieu de foi, il plaide au fond, comme saint Paul, pour une « foi qui est agissante par la charité » (Galates 5,6). Comment en effet avoir vraiment la foi, c.a.d. s’attacher à Jésus-Christ de tout son cœur, sans chercher en même temps à faire ce qui lui plaît ? La réciproque n’est pas toujours vraie.