Rendre compte de l’espérance qui est en nous
Saint Pierre nous y exhorte dans l’Epître de ce dimanche. Il faut que nous soyons toujours prêts à donner les raisons de notre foi (et de l’espérance qu’elle implique). Mais il ajoute que cela doit se faire dans « la douceur » et « le respect ». Pas de polémique, donc. Celle-ci d’ailleurs ne sert à rien. Quand l’échange n’est plus une recherche commune de la vérité, mais un duel où chacun essaie de l’emporter en accumulant des arguments destinés à écraser l’adversaire, il n’y a plus qu’à se retirer.
Par contre, il ne faut pas négliger les occasions où nous pouvons expliquer les raisons qui nous amènent à suivre Jésus, à reconnaître en lui notre Dieu, à faire confiance à l’Eglise. Car nous avons des raisons, notre foi n’est pas une adhésion irrationnelle, un simple coup de cœur. Si elle n’était que cela, elle ferait peu d’honneur à Dieu qui nous a donné une intelligence pour aller vers lui.
Je ne crois pas trop aux argumentaires méthodiques dont certains voudraient disposer pour répondre à coup sûr à toutes les objections. L’interlocuteur que nous avons devant nous est un être unique, imprévisible, ses objections contre la foi chrétienne sont les siennes, il les a peut-être empruntées quelque part, mais présentement elles sont marquées au coin de son intelligence et j’ai à pénétrer avec respect dans sa pensée pour tenter de dire quelque chose de ma foi. Ce quelque chose ne peut être plaqué, il faut qu’il surgisse de l’échange lui-même. Bien sûr, de mon côté, je ne pars pas de rien, j’ai lu, j’ai étudié, j’ai réfléchi, j’ai prié. Mais tout cela est derrière moi. Au moment où je parle avec ce passant qui a bien voulu s’arrêter pour discuter, il y a lui et moi, deux frères en humanité, qui sont à égalité devant la Vérité qui nous convoque l’un et l’autre. L’un a déjà fait la rencontre de cette Vérité sur le visage du Christ, l’autre non apparemment, mais l’avantage du premier ne le dispense pas de chercher, au contraire. Dans la rencontre de l’autre, il n’est pas devant un pur néant, l’autre a sans doute donné déjà un certain sens à sa vie, il a des convictions, des valeurs, tout cela n’est pas nul, même si c’est insuffisant, il y a des parcelles de vérité qui s’y logent. Si le Christ est la vérité, ces parcelles viennent de lui et renvoient à lui. Tout l’art de l’échange est de montrer à l’interlocuteur Celui qu’il cherchait à tâtons jusque-là. Et de lui présenter la foi chrétienne comme l’accomplissement de ce qu’il portait de meilleur.
Donner les raisons de son espérance, c’est aussi se mettre soi-même un peu à nu. On parle beaucoup de témoignage aujourd’hui et non sans raison, car la parole d’un témoin qui s’implique dans ce qu’il explique a plus de poids que le discours neutre de celui qui parle de Sirius. Mais, si le langage de l’expérience a un sens, ce n’est pas pour évacuer les « raisons » au nom du « ressenti », c’est pour les creuser au contraire d’avantage, dans l’ardent désir de faire aimer Celui qu’on aime.