Pentecôte et oraison
Il faut nous en persuader : la rencontre du Christ, rencontre éminemment personnelle qui nous lie à lui dans la prière, est en même temps une rencontre trinitaire. Trinitaire, d’abord parce que c’est le Père qui nous met en relation avec son Fils. Notre rencontre avec celui-ci n’est donc pas le fruit du hasard, il y a par derrière un projet paternel longuement mûri qui nous donne à lui, en même temps qu’il se donne à nous. Nous étions faits pour lui : quand Jésus nous dit que les brebis « entendent sa voix », c’est qu’il y a en elles une capacité de l’entendre, un sixième sens forgé pour lui, qui était là présent dès le commencement.
Mais il y a aussi l’Esprit Saint qui va faire en sorte que cette rencontre avec Jésus ne soit pas seulement le frôlement de deux êtres qui se croisent, un moment heureux où nous pensons à lui et où nous comprenons qu’il pense à nous. Car c’est lui tout entier qui se découvre à nous et l’Esprit va nous faire entrer dans son intimité. Grâce à lui, nous allons dépasser l’image superficielle que nous avions du Christ, de son œuvre et de ses qualités, il va nous conduire, par des chemins dont il a le secret, jusqu’à la « Vérité toute entière » : là où le Fils repose dans le sein du Père, avec tous les prolongements infinis de cet amour qui englobe l’univers entier et l’Église.
Surtout le Seigneur Saint Esprit va nous faire évoluer pour apprendre la patience de l’amour. Le don qui nous est fait est si grand qu’il doit se préparer. Même s’il y a souvent dès le début des aperçus lumineux, ce ne sera pas toujours le cas, il va falloir tenir son créneau et porter le poids du jour et de la chaleur, connaître l’aridité du texte qui ne nous parle pas et du corps qui gémit. Tout cela dans la confiance, s’estimant déjà trop heureux d’être admis dans les parvis du Très-Haut et autorisé de temps à autre à tirer la sonnette.
Nous aurons à découvrir peu à peu le va et vient entre la prière et la vie. Non que l’Esprit mesure ses dons aux progrès sensationnels que nous serions censés accomplir. C’est souvent l’inverse, c’est quand nous nous sentons un peu lourd et plutôt indigne qu’il nous rend confus par ses prodigalités. Pourtant il y a bien un rapport entre le désir têtu que nous avons de Jésus et l’exigence que nous rappelle l’Esprit Saint à lutter pied à pied contre nos défauts. Il y a les cas où il nous est donné de lâcher prise sur tout un pan de notre vie, pour faire une place que le Seigneur ne tardera à occuper : au lieu des tristes satisfactions de l’amour-propre, ce sera la joie du Ciel !
L’Esprit Saint est aussi celui qui anime l’Église et cette Eglise prend soin de nous, même quand nous sommes seuls dans notre chambre à prier, c’est elle qui nous dispense le trésor de son cycle liturgique, qui fait passer devant nos yeux, comme un immense kaléidoscope, les fêtes qui déploient le mystère du Christ tout au long de l’année. C’est elle qui a tissé cette tapisserie merveilleuse faite de paroles, de musiques et de symboles qui entourent le mystère. C’est elle qui convoque autour de nous tous les saints qui l’ont illustrée au fil des âges et tous ces frères et sœurs d’aujourd’hui qui, à cet instant même, nous accompagnent de leur prière, de leur chant et de leur offrande. C’est toute cette conspiration d‘amour que nous percevons confusément et qui porte notre oraison, nous empêchant ainsi de nous décourager.
La Pentecôte, fête du Saint Esprit, est par excellence la fête de notre vie intérieure. Ne manquons pas le rendez-vous !