Unifie mon cœur !
L’Epitre de saint Jacques porte un diagnostic redoutable sur notre existence en société, mais aussi – hélas ! – au sein de l’Eglise : « D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes ? » Il est bien vrai que les conflits avec les autres sont d’abord des conflits non résolus en nous. Notre malheur, c’est d’être perpétuellement écartelé entre des objectifs contradictoires : le désir de plaire et la peur de perdre la face, l’attrait de notre confort et le service des autres etc… etc…. Faute de trancher, faute de discerner ce qui est le meilleur dans un moment donné, nous restons partagés, oscillant d’un moment à l’autre par peur de perdre quelque chose et c’est comme cela que nous perdons souvent tout. Et les autres alors en font les frais…
Mais, pour que cette sélection s’opère, il faudrait que le but soit à la hauteur de notre désir le plus fondamental. Seul Dieu servi et aimé pour lui-même est assez élevé pour ordonner toute notre vie, toute avancée, tout désir légitime étant un moyen pour s’élever vers lui. Et chaque choix concret devrait avoir cet horizon…
C’est simple en principe, comment se fait-il que ce soit si difficile dans la pratique ? Sans doute parce que nous ne sommes que rarement dans les conditions de paix intérieure et d’écoute de Dieu qui nous permettraient de juger sainement de la situation, nous réagissons à la première provocation venue et, sur la foi d’une information biaisée, nous nous mettons en guerre. Il faudrait nous obliger dans ces cas-là à avoir plus de recul, ne fût-ce que quelques minutes, pour prendre une distance avec le premier mouvement et en mesurer les conséquences.
Mais c’est en fait toute une éducation de notre désir profond qui est en jeu : « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » déclare le Seigneur (Luc 12,34). On peut bien dire que l’amour de Jésus est au centre de notre vie, mais, pour que ce soit une vérité qui nous porte en avant, il faudra avoir patiemment frappé à sa porte, mis bien souvent la prière à la première place, offert un feu roulant de petits sacrifices, attendant le moment où il se saisira vraiment de nous et nous éveillera aux vraies joies qui sont celles du ciel. Notre vie spirituelle n’est pas un long fleuve tranquille, c’est une aventure, comme tout amour, une aventure faite d’attentes et de peines, mais aussi de cris déchirants et de joies fulgurantes. Si tel est notre beau souci, il y a moins de chances que nous nous enlisions dans de minables règlements de compte…
Avec le psalmiste disons : « unifie mon cœur pour qu’il craigne ton Nom ! » (85,11).