Comme aux jours de Noé
Le Seigneur Jésus nous parle en ce premier dimanche de l’Avent de son retour (l’ « avènement » du Fils de l’Homme) et il le compare à ce qui s’est passé au moment du Déluge. La ressemblance porte sur deux points : il s’agit d’abord de la soudaineté de l’évènement qui prend tout le monde au dépourvu, « on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari, les gens ne se sont doutés de rien, jusqu’à ce que survienne le déluge qui les a tous engloutis ». Malgré les signes, malgré les prophéties, c’est ce qui arrivera aussi au dernier jour.
La deuxième ressemblance est l’ampleur de l’évènement, qui n’est pas seulement un évènement à l’échelle de l’humanité, c’est quelque chose qui secoue le cosmos entier. Le retour du Christ, à l’image du Déluge, aura des répercussions jusque dans l’univers matériel. Pendant longtemps on a pu croire que la nature était « l’immuable théâtre que ne peut remuer le pied de ses acteurs » (Alfred de Vigny), mais on en est bien revenu. Nous commençons peut-être à comprendre que l’aventure de l’humanité est liée au cosmos qui la porte. Les perspectives catastrophiques qu’on nous présente aujourd’hui sont parfois exagérées, mais elles nous aident à comprendre que le monde qui nous entoure a une histoire : il a eu un commencement (le Big bang), il peut avoir une fin. En attendant ses énergies sont limitées, ses ressources ne sont pas inépuisables.
La perspective biblique n’est d’ailleurs pas celle d’une fin du monde (l’expression est employée à tort dans certaines traductions), mais plutôt de la fin d’un monde. Si Dieu a voulu le cosmos comme le cadre de sa relation d’amour avec l’homme, il y a peu de chances qu’il revienne sur son projet. Une fois l’homme restauré dans sa dignité, le démon vaincu, le monde purifié des séquelles du mal, Dieu fera « des nouveaux cieux et une terre nouvelle, où la justice habitera » (2 Pierre 3,13). L’existence de l’homme ne se conçoit pas sans un lieu pour habiter et rencontrer ses frères, jouer et danser pour son Créateur. Comment sera cette terre ? Evidemment nous n’en avons aucune idée et nous ne pouvons en avoir aucune : laissons-nous surprendre par l’incroyable prévenance de l’Amour.
Reste que le passage de l’un à l’autre sera périlleux. Ce ne sera pas une tranquille évolution qui mènerait vers des lendemains qui chantent, c’est une « crise », au sens propre de jugement. Il y aura un tri : « l’un est pris, l’autre laissé », comme dit l’Evangile. Mais là ce ne seront pas seulement les individus qui seront passés au crible, ce seront tous les éléments du monde qui seront soumis à une remise en cause. Ce monde a été abîmé par le péché des hommes et des anges. Une part sera anéantie, l’autre glorifiée. Comme dit Paul : « la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité, — non qu’elle l’eût voulu, mais à cause de celui qui l’y a soumise, — c’est avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Romains 8, 20-21).
Quelles perspectives ! Elles sont à la hauteur du Dieu qui nous a faits. Seules elles peuvent nous faire comprendre le sens du risque qu’il a pris en nous créant.