Avent, doux Avent
On ne le dira jamais assez : le coup de génie de la liturgie latine (je ne parle pas ici de la langue, mais du rite : nous sommes de rite latin, même si nous célébrons la messe en français), c’est d’avoir inventé l’Avent. Non pas, comme chez les Grecs ou chez les Coptes, un « petit Carême » qui offre encore un temps de pénitence avant la fête de la Nativité. L’originalité, c’est d’avoir tressé ensemble trois « attentes » : celle de la fête de Noël, celle de notre rencontre personnelle avec le Christ et celle de son retour glorieux à la fin des temps. Et, en plus, de les avoir toutes trois modelées sur l’attente messianique qui est celle de l’Ancien Testament. Cette triple attente aboutit à la répartition des trois messes de Noël ; celle de la nuit (la gloire de Dieu dans un moment du temps), celle de l’aurore (la gloire de Dieu dans les cœurs) et celle du jour (la gloire de Dieu Alpha et Oméga). Prodigieux !
Cela se vérifie dès le premier dimanche de l’Avent où les annonces de la fin des temps se marient avec une savante pédagogie de l’attente.
La première lecture : il s’agit d’un petit oracle de bonheur, au milieu des perspectives plus sombres qui abondent chez Jérémie : c’est pour nous donner confiance, mais sans nous bercer de faux espoirs. Tout cela arrivera, certes (« voici venir des jours »), mais nous ne savons pas quand… Et, en attendant, avançons !
Dans la deuxième lecture : saint Paul nous le déclare ; « faites donc de nouveaux progrès, nous vous le demandons ! ». Il a nettement conscience que nous pouvons avancer, que nous ne faisons pas forcément du surplace et que le temps de l’attente où nous sommes n’est pas un temps mort. Tous les verbes soulignent cette notion d’avancée : « un amour de plus en plus intense et débordant », « qu’il affermisse vos cœurs ». Pourtant il ne s’agit pas d’un progrès linéaire et méthodique, il s’agit de se préparer à une échéance dont le terme est inconnu (de nous au moins), il s’agit d’être prêts, mais pas nécessairement d’être arrivés à la perfection, évitons seulement de déplaire à celui qui nous met sur la voie.
Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus n’a pas peur de manier la grosse artillerie et il nous parle des bouleversements cosmiques qui s’abattront sur terre au moment de son retour et du jugement de Dieu. Mais la perspective se fait très vite plus limitée et ce sont plutôt des signes avant-coureurs qui nous sont décrits. Visiblement le danger serait de se troubler et de perdre cœur, nous ne sommes encore qu’« au début ». Aussi le conseil du Seigneur devient-il plutôt moral : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie ». C’est à ce niveau que nous pouvons tenter des efforts. Le reste est encore trop lointain. Mais nous comprenons que les petits pas en préparent de plus grands. Ce que nous aurons à faire un jour nous sera donné au moment où ce sera nécessaire…