Les Rameaux : une manif pour rien ?
Bien mystérieuse finalement cette procession que visiblement le Christ a voulue, prévue, organisée lui-même. Elle entraîne des foules, apparemment elle constitue pour Jésus un triomphe inouï, sa reconnaissance comme Messie fils de David (« Hosannah au Fils de David ! ») et elle se termine on ne sait où, mais certainement pas dans le Temple, et la foule se disperse, sans que rien ne soit arrivé.
Pourquoi cela ? Qu’a voulu Jésus ?
La seule réponse possible est que, à quelques jours de son « Heure », qu’il sait maintenant toute proche (le complot est déjà ourdi par les Grands prêtres et les Anciens), il a cherché à manifester enfin clairement ce qu’il était : le Messie d’Israël, l’hériter des promesses faites à David, à qui le prophète Nathan avait déclaré : « Ta maison et ta royauté seront pour toujours assurées devant moi ; ton trône sera affermi pour toujours ». (2 Samuel 7,16)
Jusque là, toute allusion à la Royauté risquait d’être ambiguë, on pouvait y voir la revendication d’un pouvoir politique, c.a.d. finalement militaire, pour prendre la tête de la révolte générale qui chasserait les Romains et établirait un règne de justice dans le pays. Ce n’est pas cette royauté-là que voulait Jésus, il l’a toujours écartée, quand on la lui proposait. Non parce qu’il n’avait pas compassion des souffrances de son peuple, mais parce qu’il avait une mission autrement plus grande et plus définitive.
Car il y avait bien quelque chose de vrai dans cette attente du Messie, colportée de siècle en siècle par les Prophètes et autres inspirés : Dieu voulait le bonheur de son Peuple, mais aussi celui de tous les peuples, il voulait établir ce bonheur sur une alliance solide et définitive, il voulait qu’elle soit le règne de l’Esprit Saint sur terre, qu’elle prépare les croyants à l’ultime étape du projet de Dieu, le grand rassemblement universel de tous les hommes de bonne volonté dans la Résurrection bienheureuse. Et tout cela par un homme qui serait son propre Fils et qui se prolongerait dans son Église.
En organisant ce cortège, Jésus prend soin de clarifier les choses, le fait de choisir comme monture un petit âne au lieu d’un fougueux destrier est déjà un signe parlant. Mais quand il a dispersé la foule et mis fin à l’enthousiasme populaire, ce fut aussi un moment significatif, mal compris sans doute de beaucoup.
Reste la question : pourquoi avoir voulu ce non-événement, qui n’a pas eu d’effet direct et qui n’empêchera pas les déçus du Messie Jésus de rejoindre ceux qui cinq jours plus tard crieront avec les autres : « A mort crucifie-le ! » ? Eh bien la réponse est peut-être que Jésus a voulu par là lier d’une façon indissoluble l’attente d’Israël et ce qui allait naître dans l’Église chrétienne : l’Ancien et le Nouveau Testament ne sont pas deux histoires distinctes. L’un n’est pas « charnel » et l’autre « spirituel ». Ce que nous attendons, c’est le Règne du Messie qui sera sur terre et aux cieux.