Le vieillard portait l’enfant, l’enfant dirigeait le vieillard
Tel est, dans le graduel romain (encore en usage aujourd’hui), le verset de l’alléluia à la messe du 2 février. Quand l’enfant s’appelle Jésus, quand il est le Dieu Tout-Puissant, c’est lui, bien sûr, qui est le maître, c’est lui qui dirige nos vies. Et pourtant il a voulu être petit enfant, être porté par des êtres humains. Il n’a pas cru indigne de sa grandeur d’être ainsi remis à la merci des hommes. Il n’a pas triché, il n’a pas fait semblant ; si on l’avait fait tomber, il aurait eu mal.
Tant de fragilité et tant de force en même temps ! Cela nous rappelle quelque chose : la façon dont la Providence gouverne toutes choses en passant par des causes naturelles, des évènements qui vont dans tous les sens, qui dépendent pour une part des hommes et souvent de leur folie. Tout n’arrive finalement qu’avec le bon-vouloir du Père, mais, dans le détail, tout semble se passer au plan humain. A chaque instant, le dessein divin parait battu en brèche par des évènements contrariants. Et finalement, on le voit généralement après, Dieu a réalisé son œuvre : « le filet s’est rompu, l’oiseau s’est échappé », comme dit le psaume.
Ce n’est pourtant pas une illusion, Dieu n’instrumentalise pas ceux qui concourent à ses voies. Ils sont bien libres et parfois, quand ils agissent à contre-sens, il y a des dégâts. Mais Dieu sera quand même le plus fort, il peut perdre bien des manches mais il gagnera la belle, nous en sommes sûrs, nous l’avons vu dans notre vie.
Y avait-il bataille plus perdue que celle qui se terminait le Vendredi Saint au soir par un enterrement à la sauvette ? Les hommes avaient eu le don le plus extraordinaire, ils avaient eu le Fils à leur disposition pendant trente ans, ils avaient pu l’écouter pendant trois ans, ils avaient eu les trésors de la doctrine, les splendeurs de la sagesse divine au coin de la rue. Et ils n’en avaient rien fait, ils avaient écouté au début, mais décidément « cet enseignement est trop dur, qui peut l’entendre ? ». Et tout s’était terminé comme on sait.
Mais, non, justement tout ne s’était pas terminé ainsi, deux nuits et un jour s’étaient passés et à l’aube…
Seigneur Jésus, petit enfant remis dans les bras de Siméon, je te prie, devant tes petits poings fermés et ton sourire extasié, je mets toute ma vie, toutes mes affections, toutes mes responsabilités, je mets aussi mon pays si divisé, je confie surtout l’Eglise, ta sainte Eglise, traversée par tant de contradictions. Tu peux tout. Dans ton impuissance d’enfant, tu remets tout au Père. Et tu gagneras, je le sais, j’en suis sûr….