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Conseiller spirituel
Le « directeur de conscience », le « maitre spirituel » ont, aujourd’hui, mauvaise presse. On a vu trop de cas de chefs de communauté qui se prenaient pour des gourous, abusaient de leur autorité et parfois faisaient pire encore, qu’on est devenu méfiant contre toute direction spirituelle, qui pourrait cacher un rapport malsain. On suit en cela la pente d’une société qui se méfie de la paternité et qui cherche à mettre les enfants à l’abri de toute influence venue de la famille.
Jésus, lui aussi, met en garde contre une paternité qui serait devenue oppressive, parce qu’elle ferait oublier la seule vraie, celle de Dieu : « n’appelez personne ″père″, parce que vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux ». Mais n’oublions pas que le Christ vivait dans une société encore très patriarcale, où le père de famille avait tout pouvoir sur ceux qui habitaient sous son toit. Hors des cas d’abus, il sait que la paternité, comme la maternité, sont indispensables à l’éducation des enfants, il nous rappelle à l’obéissance au 4e commandement qui demande d’honorer ses parents (Mc 7,11-12 ; 10,19) et il donne à ses disciples une réelle autorité sur ceux qui les suivront. Nous voyons comment Paul en use avec ceux qu’il a rassemblés dans ses communautés.
La tradition spirituelle de l’Eglise est unanime à dire que, sans maître pour nous guider, nous risquons de nous égarer. Dès le début du monachisme, l’ancien, celui qui a l’expérience de la vie solitaire au désert, est appelé à guider les novices et ceux-ci sont invités à lui faire totale confiance jusqu’à lui faire part de leur moindre pensée. Bien sûr, ce choix d’un père spirituel doit se faire après discernement. Jésus dans l’évangile d‘aujourd’hui nous le dit : « un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ? ». Mais il n’y a pas que des aveugles et il ajoute : « le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais, une fois bien formé, chacun sera comme son maître ». Ce qui veut dire qu’il sera, à son tour, à même d’avoir des disciples.
Les grands ordres religieux (jésuites, dominicains etc… ), ainsi que les sociétés de prêtres comme les sulpiciens ont eu longtemps la réputation de fournir des conducteurs d’âmes et ceux-ci ont donné au fil des âges des fruits incontestables, conduisant à la sainteté bien des hommes et des femmes dans tous les milieux et dans toutes les conditions. Mais avec les bouleversements que nous avons connus, beaucoup de savoir-faire s’est perdu. Avec certaines communautés nouvelles, des gens pleins d’enthousiasme se sont improvisés guides spirituels qui n’en avaient ni l’étoffe, ni l’expérience. Avec des ravages considérables, dont nous subissons encore les conséquences.
Mais « l’abus ne supprime pas l’usage », comme disent les juristes et il ne faudrait pas que le discrédit de certains rejaillisse sur tous les autres et que l’Eglise se prive d’un moyen si puissant pour élever les âmes. On voit surgir aujourd’hui une vision minimaliste de la vie spirituelle qui se réduirait à ceci : être fidèle à son devoir d’état et aux obligations principales de la vie chrétienne. Malheur à nous, si nous n’osons plus proposer la sainteté ou (pire) si nous ramenons celle-ci à faire banalement son devoir. Cette médiocrité a de quoi dégoûter les jeunes, mais pour tout le monde elle éloigne de la sainte folie de l’amour.
Demandons au Seigneur de nous envoyer non seulement des prêtres, beaucoup de prêtres et de saints prêtres, mais des prêtres qui sachent diriger les âmes, qui prennent du temps pour écouter.