Pas de compréhension « charnelle » du Christ ?
Saint Paul nous déclare à bout portant : « Désormais nous ne regardons plus personne d’une manière ˮcharnelle ˮ (la traduction liturgique donne : simplement humaine), si nous avons connu le Christ de cette manière, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi ». Les notes ont beau nous expliquer que, chez Paul, la chair, ce n’est pas forcément le corps, c’est même plus souvent l’homme pécheur, nous avons du mal à nous arracher à l’impression que, pour avoir une compréhension juste de Jésus, il faudrait laisser derrière nous tout ce qui est trop lié aux circonstances historiques de sa venue sur terre, tout ce qui nous rappelle son humanité. Sainte Thérèse de Jésus (celle que nous appelons « la grande Thérèse », ou « Thérèse d’Avila ») nous raconte que de son temps, il ne manquait pas d’auteurs spirituels pour recommander d’éloigner de soi toute image corporelle et de s’élever à la contemplation de la Divinité. Car, disaient-ils, les images de cette sorte, serait-ce même celle de l’Humanité de Notre-Seigneur, sont, pour ceux qui arrivent à un état si élevé, un embarras et un obstacle à une plus haute contemplation. Avec son sens profond des choses de Dieu, elle sut écarter cette tentation et considérer que si, le Seigneur est venu chez nous avec un corps et un cœur d’homme, c’est qu’il y a là un moyen privilégié de le rejoindre.
Alors que veut dire saint Paul quand il nous met en garde comme une approche simplement ˮcharnelleˮ du Christ ? Tout simplement, il nous avertit de ne pas partir de nous, de nos idées, de nos images pour chercher à nous le représenter ou à penser son rôle parmi nous. Car c’est bien une tentation, et une tentation constante des chrétiens comme des non-chrétiens, de faire entrer le Seigneur Jésus dans nos concepts et nos valeurs, de lui prêter nos idéologies, de lui faire une place à côté des grands bienfaiteurs de l’humanité, des grands inspirés, des sages, des maîtres de morale etc… Or, de partout, il fait craquer ces modèles qu’il dépasse d’une telle hauteur ! Quand on cesse de charcuter le texte des évangiles pour le faire cadrer avec nos préjugés (Jésus n’a pas pu dire ceci ou cela), on tombe sur des paradoxes qui devraient nous ouvrir les yeux sur la profondeur infinie de sa pensée et de son projet sur nous. Une heure d’adoration où nous nous laisserons guider par un chapitre de saint Jean nous en dira plus là-dessus que beaucoup d’essais à la mode.
Nous n’avons pas à quitter Jésus dans la réalité de son corps (sa chair), nous n’avons pas à rêver d’un Christ idéal, c’est bien le « Jésus de l’Histoire » qui est le « Christ de la foi » : l’infini de Dieu s’est comme condensé pour nous dans ce petit corps que Marie a tenu dans ses bras et qui nous est maintenant donné dans la sainte Eucharistie. Venez, adorons !