Salutaire ambition
Généralement, on voit dans l’épisode qui nous est présenté ce dimanche une sévère critique de l’attitude des deux fils de Zébédée qui demandent à Jésus de siéger l’un à sa droite et l’autre à sa gauche, dans la gloire (c.a.d. quand il sera roi).
Mais quand on regarde de près, on voit que l’attitude de Jésus est plus nuancée. Sans doute, il n’entre pas dans le plan des deux frères et ne leur fait aucune promesse sur la composition de son futur cabinet ministériel. Mais il leur jette un défi : « pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé ? » Ils comprennent bien que le Christ, avant de leur répondre sur le fond, les met au défi de passer par les épreuves qui vont être les siennes sur le chemin de la gloire et, comme ils sont courageux et prêts à donner de leur personne, ils répondent fièrement : « nous le pouvons ! ». Et ce n’est pas sans valeur aux yeux du Seigneur qui voit là deux jeunes gens qui n’ont pas froid aux yeux. Bien sûr, il va réajuster leur ambition, leur montrer que sa gloire n’est pas tout à fait celle qu’ils imaginent, mais il se garde bien de décourager leur ambition, de mettre de l’eau froide sur leur enthousiasme.
On a beaucoup trop ramené l’humilité chrétienne à une sorte d’effacement de soi, la peur de prendre des responsabilités, de se mettre en avant, de proposer ses dons, ses talents. Celui qui sait qu’il a des capacités, qu’il peut réussir, est amené à mettre en avant ce qu’il porte en lui et s’il y réussit tout le monde en profitera. Sans doute l’orgueil peut se mêler à cette fierté et faire que l’ambitieux se complaise dans sa supériorité, vraie ou supposée. Mais Jésus a vu chez Jean et Jacques un allant, une force, qu’il est loin de rejeter et qu’il va faire servir à la réussite de son œuvre. Les grands éducateurs (comme saint Jean Bosco) ont su repérer parmi les jeunes dont ils s’occupaient ce tempérament un peu battant et ils ont ainsi permis à ceux qui avaient des possibilités de les épanouir pour le service du Christ et de leurs frères.
Mais, dans le fond, nous sommes tous ainsi faits, le Seigneur, loin de nous enfermer dans une morne égalité où aucune tête ne doit dépasser, nous a faits à tous des dons, différents mais réels et il entend bien que nous les mettions en pratique pour le bien de tous. Ce n’est pas un péché de vouloir réussir, de tendre toutes ses forces pour remporter la palme. Il faudrait que nous soyons tous convaincus que la vie chrétienne est un match qu’il s’agit de gagner.
Ecoutons saint Paul : « Ce n’est pas que j’aie déjà saisi le prix, ou que j’aie déjà atteint la perfection ; mais, tendu de l’avant, je poursuis ma course pour tâcher de le saisir, puisque j’ai été saisi moi-même par le Christ » (Philippiens 3,11).