Alliance
La lecture de l’Ancien Testament qui nous est faite ce dimanche, le premier du Carême, nous donne un aperçu de l’histoire de Noé. Le Déluge et la refondation du monde avec les survivants sont un épisode capital et trop peu médité, point de passage indispensable entre le récit des origines (Adam et Eve) et la vocation d’Abraham.
C’est là que pour la première fois est présentée en termes explicites l’Alliance que Dieu veut contracter avec l’humanité. Le mot est lancé : « Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous » et même : « avec tous les êtres vivants qui sont avec vous ». Dieu s’engage librement dans un rapport contractuel avec l’homme, son lieutenant sur terre.
Avec le thème de l’Alliance, nous comprenons que c’est Dieu qui a pris l’initiative de faire alliance avec l’humanité, de s’engager durablement avec elle, mais nous percevons aussi qu’il y a quelque chose que nous sommes seuls à pouvoir apporter : notre reconnaissance de ce qu’il a fait pour nous, notre consentement aux conditions qu’il pose, notre confiance dans ses promesses. Et cela, il ne peut pas, et plutôt il ne veut pas, le forcer. Le don est unilatéral, mais il va concerner deux libertés : la liberté infinie de Dieu et la liberté finie, c.a.d. limitée, de l’homme. Le monde a été créé dans ce but : pour donner à l’homme l’occasion de cet acte de liberté. Ce que nous appelons le salut n’est rien d’autre que la rencontre réussie de ces deux libertés.
Mais c’est toute une histoire, car rien n’est joué au départ, il y a un risque à courir des deux côtés, car sortir de soi pour aimer est un risque, Dieu risque que sa démarche soit vaine (« ô mon peuple, que t’ai-je fait ? en quoi t’ai-je contristé? »). Et nous, nous nous exposons à l’aventure inouïe d’aimer celui qui nous dépasse infiniment. Toute l’histoire du salut est là, présente en germe. Et chaque vie humaine la rejoue à son échelle.
Mais, dans ce jeu, nous disposons d’un atout de poids, car depuis Adam nous étions empêtrés dans le péché qui faussait notre rapport à Dieu et nous enfermait en nous-même. En s’offrant à son Père avec notre humanité, Jésus a réalisé en lui la quintessence de l’Alliance : il y a un Dieu qui se donne et un homme qui s’ouvre totalement, sans réserve. Il est frappant de voir que le seul moment (mais quel moment !) où le Christ emploie le mot d’alliance dans tout l’évangile, c’est dans les paroles d’institution de l’eucharistie (« ce calice est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous » Luc 22,20). Là est la jonction enfin réussie entre la démarche divine et de la démarche humaine.
Cela ne veut pas dire que nous n’avons qu’à nous laisser porter. Bien au contraire, c’est le moment où nous avons enfin la possibilité de réussir quelque chose qui soit vraiment nôtre : ce « oui » d’amour, en connaissance de cause, avec tout notre être, pour toujours, porté par les ailes de l’Esprit.