Vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux
Si Dieu est bien ce Père attentif au bonheur de ses enfants, tel que nous le décrit Jésus dans l’évangile de ce jour, s’il nous aime bien plus que tous les moineaux du monde, dont il suit pourtant la trajectoire avec sollicitude, comment comprendre que tant de choses ne se passent pas comme elles devraient se passer si Dieu était vraiment juste et bon ?
Le Christ nous a apporté une réponse lumineuse dans la parabole du bon grain et de l’ivraie : un jour justice sera faite, c’est sûr, le bien et le mal apparaîtront en pleine lumière, l’ivraie sera enfin séparée du bon grain. Le bonheur des élus sera sans nuage. Mais pour l’instant la séparation n’est pas possible, car les deux sont trop mêlés, en arrachant l’un on compromettrait la croissance de l’autre. C’est en fin de compte ce que nous explique saint Paul avec d’autres mots dans le passage de l’Epitre aux Romains que nous lisons ce dimanche : aucun parmi nous ne recommence à zéro l’aventure de l’humanité, le mal nous précède depuis Adam, nous sommes à la fois victimes et coupables. Espérer éradiquer le mal en frappant les responsables est donc vain, nul n’est complètement innocent devant Dieu. L’ambition du Seigneur est de nous aider à sortir de ce marécage en marchant sur ses traces, mais c’est une œuvre de longue haleine. C’est pourquoi le jugement ne se fera qu’à la fin
Ce n’est pas dire que Dieu ne peut pas intervenir au cours de notre existence pour rétablir un peu d’ordre, sinon ce ne serait plus la peine de lui demander quoi que ce soit. Le prophète Jérémie ne cesse pas de solliciter Dieu pour qu’il le mettre à l’abri de ses adversaires (cf. la première lecture). Mais ces interventions ponctuelles, que Dieu nous accorde parfois et même bien plus souvent que nous ne le reconnaissons, restent limitées : elles dénouent pour un temps des conditions trop dures qui rendraient notre fidélité presque impossible. Car nul n’est tenté au-delà de ces forces. Mais, juste après, nous sommes à nouveau confrontés à la dureté du monde et à l’engrenage du péché et de la souffrance. Le serviteur n’est pas au-dessus de son maître…
Pourtant, il faut absolument garder une confiance d’enfant envers la bonté de notre Dieu. Ne confondons pas notre endurance de chrétiens avec l’acceptation stoïque du destin. Il y a une résignation qui n’est pas bonne, qui est même pleine de ressentiment pour ce Dieu qui semble étranger à nos drames. Il y a une manière orgueilleuse de se draper dans sa dignité, de refuser de demander quoi que ce soit, qui n’est pas juste.
Les encouragements du Seigneur Jésus sont là pour nous dire : « patience, mon Père vous aime et il attend le moment favorable pour vous combler de ses biens et un jour il essuiera toute larme de vos yeux ! »