Vous êtes morts au péché
Saint Paul, nous le savons bien, croit très fort à la puissance transformante du baptême. Pour lui, c’est un fait : « Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle: l’être ancien a disparu, un être nouveau est là » (2 Corinthiens 5,17). Pourtant il est bien placé pour savoir que la transformation n’est pas ni automatique ni spectaculaire : il a souffert des contradictions, des divisions, des trahisons de certains membres de l’Eglise. Et il sait qu’il est lui-même habité d’une sourde opposition à la volonté de Dieu.
Peut-être que le passage de l’épître aux Romains que nous recevons ce dimanche peut nous aider à avancer. Notons d’abord comme une hésitation : si le changement est déjà énoncé au passé, les effets sont au futur, en effet « si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui » (6,8). La seule chose qui est au présent, c’est la foi (« nous croyons »). Comme le dit plus clairement un autre passage de la même lettre que nous entendrons bientôt (8, 24) : « notre salut est objet d’espérance; et voir ce qu’on espère, ce n’est plus l’espérer: ce qu’on voit, comment pourrait-on l’espérer encore? ». Le changement est très réel, mais il est dans la foi et l’espérance !
Que faut-il comprendre ? Que c’est nous qui, à force de nous persuader que c’est arrivé, finirions par influer sur notre comportement ? Je ne suis pas sûr que ça irait très loin, l’autosuggestion a des limites et le naturel revient au galop. Non, la foi n’est pas une idée que nous nous ferions d’une réalité par ailleurs inchangée. Elle nous indique ce qui est parfaitement réel, parce que le Christ nous l’a dit et que le Saint Esprit l’a opéré en nous : nous sommes une création nouvelle. Mais nous n’accédons à cette réalité que par la foi. L’expérience personnelle ne nous fournit pas d’information sérieuse : comment juger nous-mêmes où nous en sommes ? De même que la foi nous renseigne sur des tas de choses invisibles pour nous et pourtant parfaitement justes (l’amour de Dieu, la vie éternelle etc…), elle nous révèle notre être nouveau de fils. Et si nous adhérons sérieusement à cette certitude, elle va porter du fruit en nous : nous éprouverons la douce conduite de Dieu sur notre vie, nous tenterons pour lui plaire des efforts que nous n’avons jamais osé faire jusque-là, nous écarterons des tentations de découragement que le démon excelle à semer dans notre cœur, nous nous renouvèlerons dans un courage qui n’est pas de ce monde…
Vivre de foi et d’espérance, c’est sortir de la perspective trop courte qui nous limite à nous-mêmes, à notre passé, à nos peurs, à nos inhibitions. Et, à force de battre des ailes, nous constatons que nous volons…