Dans cinq jours, l’Ascension
C’est décidé : puisqu’aucun de mes échos n’a encore concerné la fête de l’Ascension, je vais profiter de cette année pour me pencher avec vous sur cet article de notre foi, car il importe que nous rendions à cette fête méconnue de notre calendrier liturgique tout son éclat. Trois sur quatre de nos prières eucharistiques mentionnent l’Ascension parmi les évènements majeurs où s’opère mystère pascal. Mais, si nous n’y prenons garde, il va nous arriver en France ce qui s’est passé en Italie et dans quelques autres pays de tradition catholiques, où l’Etat a supprimé le jour chômé de l’Ascension et où aussitôt la Conférence épiscopale a reporté l’Ascension au dimanche suivant, faisant disparaître par le fait même la neuvaine au Saint Esprit qui prépare pendant neuf jours la Pentecôte, ainsi que l’étonnant 7e dimanche du Temps pascal, sur lequel nous reviendrons dans les prochaines échos.
Si l’Ascension rencontre une certaine désaffection et ne passionne plus beaucoup les chrétiens, c’est à mon avis que le discours habituel qu’on tient à son sujet n’est pas très convaincant. On a l’impression d’une certaine gêne, comme si on avait honte de dire que cette dernière apparition de Jésus s’est passée comme le raconte, par exemple l’évangile de saint Luc, avec un corps qui s’élève de terre, des anges qui interviennent etc… Aurait-ce été mieux, s’il s’était enfoncé en terre ? Ou s’il avait disparu sans laisser d’adresse ? Même si le ciel où Dieu habite est autre chose que le ciel que nous voyons, ce dernier en est le symbole assez parlant. Nous levons les yeux au ciel, nous élevons les mains vers lui, sursum corda (« élevons notre cœur ») nous dit la liturgie. La direction verticale est bien celle qui correspond à notre relation à Dieu. En s’élevant vers le ciel, Jésus nous entraîne à sa suite dans un ardent désir de rencontrer Dieu pour lequel nous sommes faits.
Mais il y a pire, on a disqualifié l’Ascension comme évènement, en répétant qu’elle n’était qu’une mise en scène littéraire pour exprimer l’exaltation du Christ auprès de Dieu, évènement qui s’est opéré dans l’instant même où il ressuscitait. Concourait à cette conclusion le fait que l’évangile de saint Luc semble placer l’Ascension au soir de Pâques, mais comme, d’un autre côté, c’est le même Luc auteur des Actes des Apôtres qui nous dit que quarante jours se passent entre la Résurrection et l’Ascension, on peut croire qu’il y a là son dernier mot sur la question.
Ce qui est surtout derrière ce refus, c’est le dogme non écrit qui voudrait qu’après la mort on entre dans l’éternité où il n’y a plus de temps. Il me faudrait plus de place que je n’en ai ici pour écarter cette manière de voir. Mais je voudrais m’en tenir à la parole de Jésus ressuscité qui dit à Marie Madeleine : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore remonté vers mon Père » (Jean 20,17). Si le Ressuscité a conscience qu’il a encore une étape à franchir avant de remonter vers son Père, c’est que la Résurrection n’est pas un état figé où il se passerait rien, mais une avancée « de commencement en commencement »…
Alors, fêtons dans la joie jeudi prochain l’Ascension du Seigneur, réjouissons-nous avec lui de cette nouvelle étape dans sa gloire, admirons son humanité totalement épanouie rejoignant le sein du Père, recevant les hommages des anges, étendant sa sollicitude à l’humanité entière, illuminant le cosmos.