Le premier discours sur Jésus
La première lecture de ce dimanche prend un peu d’avance sur l’actualité liturgique, puisqu’elle évoque un épisode qui s’est produit le jour de la Pentecôte. Nous avons là le premier discours d’un pape : la déclaration adressée par saint Pierre du balcon du Cénacle à la foule rassemblée là, à la suite du charivari provoqué par la venue de l’Esprit.
Mais ce texte a l’immense avantage de nous faire rejoindre les tout débuts de la prédication apostolique, les premiers balbutiements du kérygme chrétien. On est au lendemain des évènements de la Passion et de la Résurrection, c’est donc la glorification du Messie qui est au centre. Il y a une brève rétrospective sur la vie publique de Jésus, avec la mention de ses miracles dont le souvenir est encore tout frais. Mais il est présenté avant tout comme un homme dont on ne dit pas grand chose sauf qu’il est de la lignée de David et qu’il se trouve soudain rejeté par son peuple et livré aux impies (les Romains) qui le mettent à mort. Mais la mort ne pouvait pas le garder bien longtemps. Pourquoi ? Ce n’est pas dit. En tout cas, c’est là que Dieu intervient, le ressuscite et l’élève à sa droite. C’est là qu’il reçoit l’Esprit Saint promis et le répand sur ceux qui croient en lui, comme il vient de le faire en ce jour de Pentecôte.
Ce tableau est déjà impressionnant, mais nous qui sommes habitués au Credo (que ce soit celui des apôtres ou celui de Nicée), nous nous étonnons que rien ne soit dit de l’origine divine de Jésus et de sa naissance virginale. Bref, dans le discours de Pierre, tout semble résider dans le procès que les hommes ont intenté au Christ et à sa réhabilitation par Dieu. Et c’est vrai que c’est l’évènement capital, Jésus y apparaît comme le « premier né d’entre les morts », ainsi que le dira plus tard saint Paul (Colossiens 1,18), mais il ne semble pas encore être « le premier né avant toute créature » (Colossiens 1,15). Alors surgit une question : pourrait-il y avoir une Rédemption qui ne s’appuierait pas sur une Incarnation? Certains l’ont pensé, se fondant précisément sur des textes comme celui-ci.
Eh bien non ! Car, dans cette hypothèse, qu’est-ce qui nous assure que la mort de Jésus est autre chose que la mort d’un prophète persécuté comme il y en a eu tant d’autres ? Ni Jérémie, ni Zacharie n’ont été ressuscités par Dieu, leur mort n’a pas entraîné une effusion de l’Esprit. Il faut qu’il y ait en Jésus bien plus qu’un juste souffrant. Comment expliquer que la Mort n’a pu le retenir en son pouvoir, sinon par le fait qu’il était la Vie même ? Mais comment comprendre aussi l’ampleur des conséquences de sa passion-résurrection, sinon par le fait qu’il a porté tout le refus de Dieu accumulé depuis l’origine et que son obéissance s’est exercée au fond du pire abîme qui se soit jamais ouvert sous les pas de l’homme ? Bref, s’il n’était pas le Fils bien aimé du Père, il n’aurait pas pu accomplir ce programme, il n’a pu descendre si bas que parce qu’il était en même temps le Très Haut.
Bien sûr il faudra du temps pour expliciter tout cela, il faudra enquêter auprès de Marie sur la naissance de Jésus et l’enfance de celui-ci, il faudra relire les prophéties et les écrits des sages et comprendre qu’il y a auprès de Dieu… Dieu lui même, comme la Sagesse qui était présentée comme partageant le trône de Dieu (Proverbes 8, Sagesse 9,4). Mais tout cela est déjà en germe. Et le Saint Esprit fera le reste, ce sera son travail dans l’Église.